Garrigou-Lagrange, Réginald Fr., Les trois âges de la vie intérieure - p. I, La vie intérieure, les secours extérieurs

De Christ-Roi
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Sommaire
Tome I - PREMIÈRE PARTIE - La vie intérieure
Les secours extérieurs

Les secours extérieurs

CHAPITRE XVI - La lecture spirituelle de l'Écriture, des œuvres et de la vie des saints

Après avoir parlé des sources de la vie intérieure et du but à atteindre, la perfection chrétienne, il convient de considérer les secours extérieurs qui se trouvent dans la lecture des œuvres de spiritualité et dans la direction.
Parmi les grands moyens de sanctification offerts à tous, il faut compter la lecture spirituelle, celle surtout de la sainte Écriture, celles des ouvrages des maîtres de la vie intérieure et celle de la vie des saints. C'est ce dont nous parlerons en ce chapitre, en notant quelles sont les dispositions nécessaires pour profiter de cette lecture.


L'Écriture sainte et la vie de l'âme

Tandis que l'erreur, l'hérésie, l'immoralité proviennent souvent de l'influence des livres mauvais, comme le dit saint Ambroise[1], « la lecture des saintes Lettres est la vie de l'âme ; le Seigneur le déclare lui-même quand il dit : Les paroles que je vous ai adressées sont esprit et vie (Jean, VI, 63) ».
C'est cette lecture qui prépara saint Augustin à reve­nir à Dieu lorsqu'il entendit les paroles : Tolle et lege; un passage des Épîtres de saint Paul (Rom., XIII, 13) lui donna la lumière décisive qui l'arracha au péché et le porta à se convertir.
Saint Jérôme, dans une lettre à Eustochium, raconte comment il fut conduit par une très grande grâce à la lec­ture assidue de l'Écriture. C'était à l'époque où, il com­mençait à mener la vie monastique près d'Antioche; l'élé­gance des auteurs profanes lui plaisait encore beaucoup, il lisait de préférence les œuvres de Cicéron, de Virgile, de Plaute. Il reçut alors cette grâce : pendant son som­meil, il se vit comme transporté au tribunal de Dieu, qui lui demanda sévèrement qui il était. « Je suis chré­tien », répondit-il. « Tu mens, lui dit le souverain Juge, tu es cicéronien; car là où est ton trésor, là est ton, cœur. » Et l'ordre fut donné de le flageller. « Je sentis, bien à mon réveil, écrit saint Jérôme, que cela était plus qu'un songe, c'était une réalité, puisque je portais sur les épaules les marques des coups de fouets que j'avais reçus. Depuis ce temps-là j'ai lu les saintes Écritures avec plus d'ardeur que je ne lisais auparavant les livres profanes. » - On comprend dès lors pourquoi, dans une autre lettre à Eustochium, il lui dit : « Que le sommeil ne vous sur­prenne qu'en lisant, et ne vous endormez que sur l'Écri­ture sainte. »
Dans quel livre, en effet, peut-on mieux puiser la vie que dans l'Écriture, dont Dieu est l'auteur ? Surtout l'Évangile, les paroles du Sauveur, les faits de sa vie ca­chée, de sa vie apostolique, de sa vie douloureuse, doivent être l'enseignement vivant auquel il faut toujours revenir.. Jésus sait rendre les choses les plus hautes, les plus divines, accessibles à tous, par la simplicité avec laquelle il parle. Et sa parole ne reste pas abstraite et théorique, elle porte immédiatement à la véritable humilité, à l'amour de Dieu et du prochain. On sent à chaque mot qu'il ne cherche que la gloire de Celui qui l'a envoyé et le bien des âmes. Il faut toujours revenir au Sermon sur la montagne en saint Matthieu (V-VII) et aux discours après la Cène en saint Jean (XII-XVIII).
Si nous lisons dans les dispositions voulues, avec humi­lité, foi et amour, ces paroles divines, qui sont esprit et vie, elles contiennent pour nous une grâce spéciale qui nous porte chaque jour davantage à l'imitation des vertus du Sauveur, de sa douceur, de sa patience, de son amour héroïque sur la croix. Voilà bien, avec l'Eucharistie, la vraie nourriture des saints : la parole de Dieu, transmise par son Fils unique, le Verbe fait chair. Sous l'écorce de la lettre, il y a là la pensée vivante de Dieu, que les dons d'intelligence et de sagesse, si nous sommes dociles, nous feront de mieux en mieux pénétrer et goûter.
Après l'Évangile, rien de plus nourrissant que le pre­mier commentaire qui en a été écrit sous l'inspiration divine : les Actes des Apôtres et les Épîtres. Ce sont les enseignements du Sauveur vécus par ses premiers dis­ciples, chargés de nous former, enseignements expliqués et adaptés aux besoins des fidèles. C'est, dans les Actes, la vie héroïque de l'Église naissante, sa diffusion au milieu des plus grandes difficultés, leçon de confiance, de vail­lance, de fidélité et d'abandon.
Où trouver des pages plus profondes et plus vivantes que dans les Épîtres, sur la personne et l'œuvre du Christ (Coloss., I), sur la splendeur de la vie de l'Église et l'im­mensité de l'amour du Sauveur pour elle (Ephés., I-III), sur la justification par la foi au Christ (Rom., I-XI), sur le sacerdoce éternel de Jésus (Hébr., I-IX) ?
Et si l'on pense à la partie morale des Épîtres, où lire des exhortations plus pressantes à la charité, aux devoirs d'état, à la persévérance, à la patience héroïque, à la sain­teté, et des règles de conduite plus sûres à l'égard de tous, supérieurs, égaux, inférieurs, à l'égard des faibles, des cou­pables, des faux docteurs ? Où sont plus vivement expri­més les devoirs de tous les chrétiens à l'égard del'Église ? (I Petr., IV, V.)
Il est aussi des parties de l'Ancien Testament que tout chrétien doit connaître, en particulier les Psaumes, qui restent la prière de l'Église dans l'Office divin : prière d'adoration réparatrice pour le pécheur contrit et humi­lié, de supplication ardente et d'action de grâces. Les âmes intérieures doivent lire aussi les pages les plus belles des Prophètes, que la liturgie de l'Avent et du Carême remet sous nos yeux, et, dans les livres sapientiaux les exhortations de la Sagesse incréée à la pratique des principaux devoirs envers Dieu et le prochain.
En relisant sans cesse avec respect et avec amour l'Écri­ture, surtout l'Évangile, on y trouvera toujours de nou­velles lumières et une nouvelle force. Dieu a mis dans sa parole une vertu inépuisable, et lorsque, à la fin de la vie, après avoir beaucoup lu, on est fatigué de presque tous les livres, c'est à l'Évangile qu'on revient, comme au véritable prélude de la lumière qui éclairé les âmes dans l'éternelle vie.



Les œuvres spirituelles des saints

Après la lecture de l'Écriture, celle des écrits spirituels des saints éclairent beaucoup l'âme et la réchauffent, parce que bien qu'ils n'aient pas été composés sous l'ins­piration infaillible, ils l'ont été avec les lumières et l'onction du Saint-Esprit.
Il n'est pas permis d'ignorer les principales œuvres spirituelles de saint Augustin[2], de saint Jérôme[3], de Cassien[4], de saint Léon[5], de saint Benoît[6], de saint Grégoire le Grand[7], de saint Basile[8], de saint Jean Chrysostome[9] et de Denys[10], de saint Maxime le Confesseur[11], de saint Anselme[12] et de saint Bernard[13].
Il est grandement utile aussi de connaître ce qui tou­che le plus la vie intérieure dans les écrits de Richard de Saint-Victor[14], d'Hugues de Saint-Cher[15], de saint Albert le Grand[16], de saint Thomas d'Aquin[17], de saint Bonaventure[18].
On revient toujours avec profit au Dialogue de sainte Catherine de Sienne[19], aux ouvrages de Tauler[20], du Bx Henri Suzo[21], de la Bse Angèle de Foligno[22], du Bx Jean Ruysbroeck[23], de Thomas a Kempis, l'auteur probable de l'Imitation.
Parmi les auteurs spirituels modernes, il convient de lire Louis de Blois, O.S.B.[24], le franciscain François d'Osuna, dont le livre servit de guide à sainte Thérèse[25], saint Ignace de Loyola[26], les œuvres de sainte Thérèse[27], de saint Jean de la Croix[28], de saint François de Sales[29], de saint Jean Eudes[30].
On doit conseiller enfin les écrits spirituels de Bos­suet[31], ceux des dominicains Louis de Grenade[32], Chardon[33], Piny[34], Massoulié[35], ceux des jésuites L. Dupont[36], Lallemant[37], Surin[38], de Caussade[39], Grou[40], les ouvrages des écrivains de l'école française du XVIIe siècle, de Bérulle[41], de Condren[42], du P. Bourgoing[43], de saint Vincent de Paul[44], de M. Olier[45], du vénérable Boudon[46], ceux du Bx Grignion de Montfort[47], de saint Alphonse de Liguori[48].
Nous ne parlons pas des auteurs plus récents dont les principaux sont connus de tous.



Les Vies de saints

A la lecture des livres de doctrine spirituelle, il faut joindre celle des Vies de saints, qui contiennent des exemples entraînants, toujours admirables, souvent imi­tables. C'est ce qu'ont fait dans des circonstances souvent très difficiles des hommes et des femmes qui avaient la même nature que nous, qui ont eu au début leurs faiblesses et leurs défauts, mais en qui la grâce et la cha­rité ont de plus en plus dominé la nature, en la guérissant, l'élevant, la vivifiant. C'est en eux surtout qu'on voit le vrai sens et la portée du principe : « La grâce ne détruit pas la nature (en ce qu'elle a de bon), mais la perfectionne. » En eux, surtout au terme des voies purgative et illuminative, on voit ce qu'est dans la vie d'union la véritable harmonie de la nature et de la grâce, prélude normal de l'éternelle béatitude.
En ces Vies, il faut surtout chercher ce qu'il y a d'imi­table, et dans ce qu'il y a d'extraordinaire, il faut voir un signe divin qui nous est donné pour nous tirer de notre somnolence et nous faire voir ce qu'il y a de plus profond et de plus haut dans une vie chrétienne ordi­naire, lorsque l'âme est vraiment docile au Saint-Esprit. Les douleurs des stigmatisés nous rappellent ainsi ce que doit être pour nous la Passion du Sauveur et comment nous devrions dire un peu mieux chaque jour, à la fin des stations du Chemin de Croix : « Sancta Mater, istud agas, Crucifixi fige plagas cordi meo valide. Sainte Mère de Dieu, imprimez fortement en mon cœur les plaies de votre Fils crucifié. » - La grâce extraordinaire qui a permis à plusieurs saints, comme à sainte Catherine de Sienne, de boire à longs traits à la plaie du Cœur de Jésus doit nous rappeler ce que devrait être pour nous la communion fervente, et comment cha­cune de nos communions devrait être substantiellement plus fervente que la précédente, en notre ascension vers Dieu.
Les exemples des saints, leur humilité, leur patience, leur confiance, leur charité débordante, ont plus d'effica­cité pour nous faire pratiquer la vertu qu'une doctrine abstraite. « Universalia non movent. »
Il importe de lire surtout les Vies de saints écrites par des saints, comme celle de saint François d'Assise écrite par saint Bonaventure, celle de sainte Catherine de Sienne écrite par le Bx Raymond de Capoue, son direc­teur; celle de sainte Thérèse par elle-même.


Dispositions pour profiler de ces lectures

Une prière bien faite au début nous obtiendra la grâce actuelle pour lire l'Écriture sainte ou les livres spirituels avec esprit de foi, en évitant toute curiosité inutile, la vanité intellectuelle, la tendance à critiquer ce qu'on lit plutôt qu'à en profiter. L'esprit de foi nous fait recher­cher Dieu lui-même dans les ouvrages spirituels.
Il faut aussi, avec un désir sincère et vif de la perfec­tion, nous appliquer à nous-mêmes ce que nous lisons, au lieu de nous contenter d'en avoir une connaissance théorique. Alors, même en lisant ce qui concerne « les petites vertus », comme dit saint François de Sales, on recueille un très grand profit, car toutes les vertus sont connexes avec la plus haute de toutes, la charité. Il est bon aussi pour des âmes avancées de relire quelquefois ce qui convient aux commençants; elles le reverront sous une lumière supérieure et seront étonnées de tout ce qui s'y trouve virtuellement contenu, comme dans les pre­mières lignes d'un petit catéchisme sur le motif pour lequel nous avons été créés et mis au monde : « Pour connaître Dieu, l'aimer, le servir, et obtenir ainsi la vie éternelle. »
De même il est bon que les commençants, sans vouloir brûler les étapes et aller plus vite que la grâce, entre­voient toute l'élévation de la perfection chrétienne. Car la fin à atteindre, qui est dernière dans l'ordre d'exécu­tion, est première dans l'ordre d'intention ou de désir. Il faut dès le début vouloir atteindre la sainteté, car tous nous sommes appelés à cette sainteté, qui nous permet­trait d'entrer au ciel si tôt après notre mort; nul, en effet, ne fera du purgatoire que pour des fautes qu'il aurait pu éviter.
Si commençants et avancés ont vraiment le vif désir de se sanctifier, ils trouveront dans la Sainte Écriture et les ouvrages spirituels des saints ce qui leur convient; ils entendront, en lisant, l'enseignement du Maître inté­rieur.
Pour cela, il faut lire lentement, et non pas dévorer des livres; il faut se pénétrer de ce qu'on lit. Et alors la lecture spirituelle se transforme peu à peu en oraison, en conversation intime avec l'hôte intérieur[49].
Il convient aussi de relire à quelques années de dis­tance les très bons livres qui nous ont fait déjà beaucoup de bien. La vie est courte : il faudrait se contenter de lire et de relire ce qui porte vraiment la marque de Dieu, et de ne pas perdre son temps à la lecture de choses sans vie et sans valeur. Saint Thomas d'Aquin ne se las­sait pas de relire les conférences de Cassien. Combien d'âmes ont grandement gagné à relire souvent l'Imita­tion ! Mieux vaut se pénétrer profondément d'un seul livre comme celui-là que de lire superficiellement tous les auteurs spirituels.
Il faut de plus, comme le dit saint Bernard, lire avec piété, en cherchant non pas seulement à connaître les choses divines, mais à les goûter[50]. Il est dit en saint Matthieu XXIV, 15 : « Que celui qui lit, comprenne », et demande à Dieu la lumière pour bien entendre. Les dis­ciples d'Emmaüs n'avaient pas entendu le sens des pro­phéties jusqu'à ce que Notre-Seigneur leur ouvrit l'esprit. C'est pourquoi saint Bernard nous dit : « Oratio lectio­nem interrumpat, qu'on suspende la lecture pour prier »; alors vraiment cette lecture sera une nourriture spiri­tuelle et disposera à l'oraison.
Enfin, il faut commencer sans tarder à mettre en pra­tique ce qu'on lit. Notre-Seigneur dit à la fin du Sermon sur la montagne (Matth., VII, 24) : « Tout homme qui entend ces paroles et les met en pratique ressemble à l'homme sage qui a bâti sa maison sur le roc... Celui qui les entend sans les mettre en pratique ressemble à l'in­sensé qui bâtit sa maison sur le sable. » « Ce ne sont pas, dit aussi saint Paul, ceux qui écoutent la loi divine qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui la pratiquent[51]. » Alors la lecture porte des fruits. On lit dans la parabole du semeur : « Une partie de la semence tomba dans la bonne terre, et, ayant levé, elle donna du fruit au cen­tuple... Cela représente ceux qui, ayant entendu la parole de Dieu avec un cœur bon et excellent, la gardent et portent du fruit par la constance.[52] » Selon cette parabole, telle lecture spirituelle peut produire trente pour un, une autre soixante pour un, une autre cent pour un. Telle fut, par exemple, la lecture que fit Augustin lorsqu'il entendit les paroles : Tolle, lege; il ouvrit les Épîtres de saint Paul, qui se trouvaient sur une table, et il y lut ces mots (Rom., XIII, 13) : « Ne vous laissez point aller aux excès de table et du vin, à la luxure et à l'im­pudicité, aux querelles et aux jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ. » Dès lors, son cœur fut changé, il se retira quelque temps dans la solitude et se fit inscrire pour le baptême. Ce fut véritablement le cen­tuple, dont ensuite des milliers d'âmes ont vécu.




CHAPITRE XVII - La direction spirituelle

Parmi les moyens extérieurs de sanctification il faut compter la direction spirituelle. Nous parlerons ici de sa nécessité en général et pour les différents âges de la vie spirituelle; nous rappellerons ensuite quelles doivent être les qualités du directeur et quels sont les devoirs du dirigé.


La nécessité de la direction en général

Sans être un moyen absolument nécessaire à la sancti­fication des âmes, la direction est pour elles le moyen normal de l'avancement spirituel. En constituant l'Église, Notre-Seigneur a voulu que les fidèles fussent sanctifiés par la soumission au pape et aux évêques pour le for ex­terne, et pour le for interne aux confesseurs qui indiquent les moyens pour ne pas retomber dans le péché et pour progresser dans la vertu.
Le pape Léon XIII[53], à la suite de Cassien et de saint François de Sales, rappelle à ce sujet que saint Paul lui-même reçut un guide du Seigneur. Lorsqu'il se convertit, Jésus, au lieu de lui révéler immédiatement ses desseins, l'envoya à Ananie à Damas pour apprendre de sa bouche ce qu'il devait faire (Act. des Apôt., IX, 6).
Saint Basile dit : « Mettez tous vos soins et apportez la plus grande circonspection pour trouver un homme qui puisse vous servir de guide très sûr dans le travail que vous voulez entreprendre d'une vie sainte; choisissez-le tel qu'il sache montrer aux âmes de bonne volonté le droit chemin vers Dieu.[54] » Il dit ailleurs : « C'est un grand orgueil de croire qu'on n'a pas besoin de conseils.[55] »
Saint Jérôme écrit à Rustique : « Ne soyez pas à vous-même votre maître et ne vous engagez pas sans guide dans une voie toute nouvelle pour vous ; autrement vous vous égareriez bien vite. » - Saint Augustin dit aussi : « Comme un aveugle ne peut suivre la bonne voie sans un conducteur, personne ne peut marcher sans guide.[56] » Nul n'est bon juge en sa propre cause par suite de l'orgueil secret qui peut nous faire dévier du droit chemin.
Cassien, dans ses conférences, dit que celui qui s'appuie sur son propre jugement n'arrivera jamais à la perfection et ne pourra éviter les pièges du démon[57]. Il conclut que le meilleur moyen de triompher des tentations les plus dangereuses, c'est de les manifester à un sage conseiller, qui ait grâce d'état pour nous éclairer[58]. Et de fait il suffit souvent de les manifester à qui de droit pour qu'elles disparaissent.
Saint Bernard dit de même que les novices dans la vie religieuse doivent être conduits par un père nourricier qui les instruise, les dirige, les console et les encourage[59].
Il dit même dans une de ses lettres : « Celui qui se cons­titue son propre directeur se fait le disciple d'un sot. » Et il ajoute : « Pour moi, je déclare qu'il m'est plus facile et plus sûr de commander à beaucoup d'autres que de me con­duire seul.[60] » Notre amour-propre nous égare moins, en effet, pour la conduite des autres que pour celle de nous-même, et si nous savions bien nous appliquer à nous-même ce que nous disons aux autres, nous avancerions beaucoup plus.
Au XIVe siècle, saint Vincent Ferrier, dans son traité De vita spirituali, IIe Part., ch. I, parle de même : « Notre-Seigneur, dit-il, sans lequel nous ne pouvons rien, n'accor­dera jamais sa grâce à celui qui, ayant à sa disposition un homme capable de l'instruire et de le diriger, néglige ce puissant moyen de sanctification, croyant qu'il se suffit à lui-même et qu'il peut par ses propres forces chercher et trouver les choses utiles au salut... Celui qui a un direc­teur auquel il obéit sans réserves et en tout parviendra au but bien plus facilement et plus vite qu'il ne pourrait le faire tout seul, même avec une intelligence très vive et des livres savants en matière spirituelle... Tous ceux, en général, qui sont parvenus à la perfection, ont marché par ce chemin de l'obéissance, à moins que, par un privilège et une grâce singulière, Dieu n'ait instruit par lui-même quelques âmes n'ayant personne pour les diriger. »
C'est le même enseignement que nous trouvons chez sainte Thérèse[61], chez saint Jean de la Croix[62], chez Saint François de Sales[63].
Ce dernier note que nous ne pouvons être un jug im­partial.en notre propre cause, par suite d'une compla­sance « si secrète et imperceptible que si on n'a bonne vue on ne la peut découvrir, et ceux mêmes qui en sont atteints ne la connaissent pas si on ne la leur montre[64]». De même celui qui se trouve depuis longtemps dans une chambre fermée ne s'aperçoit pas que, par suite de la res­piration, l'air est vicié, tandis que celui qui arrive du dehors s'en aperçoit tout de suite.
Nous comprenons fort bien que pour l'ascension d'une montagne il faut un guide, il n'est pas moins nécessaire pour l'ascension spirituelle du sommet de la perfection, d'autant qu'il faut ici éviter les pièges de celui qui veut nous empêcher de monter.
Saint Alphonse, dans son excellent livre Praxis confes­sarii, n. 121-171, indique l'objet principal de la direction la mortification, la manière de recevoir les sacrements, l'oraison, la pratique des vertus, la sanctification des actions ordinaires.
Tous ces témoignages montrent bien la nécessité de la direction en général. On s'en rend mieux compte en considérant les trois âges de la vie intérieure ou les besoins spirituels des commençants, des progressants et des avan­cés.


La direction des commençants

Une sage, ferme et paternelle direction est particulière­ment nécessaire aux commençants pour les former; c'est ce sur quoi veillent, dans les ordres religieux, les maîtres et maîtresses des novices.
Ensuite sa nécessité se fait moins sentir, sauf aux pé­riodes difficiles où quelque changement se produit ou encore lorsqu'il faut prendre quelque décision importante.
Les débutants doivent être évidemment prémunis contre les rechutes, et aussi contre d'eux défauts contraires. Les uns, recevant des consolations sensibles dans la prière, les confondent avec des grâces d'ordre plus élève, et par présomption voudraient brûler les étapes et arriver sans tarder à la vie d'union sans passer par les degrés indis­pensables[65]. Il faut leur rappeler la nécessité de l'humi­lité et leur dire que la marche vers la perfection est le travail de toute la vie. On ne peut pas voler avant d'avoir des ailes, et l'on ne commence pas la construction d'une église par les flèches, mais par les fondements[66]. Si la fin entrevue à obtenir est première dans l'ordre de l'in ten­tion ou du désir, elle n'est de fait obtenue qu'en dernier lieu, et il ne faut pas négliger les moyens les plus mo­destes, indispensables pour y parvenir.
D'autres commençants mettent un secret orgueil dans l'austérité, comme les jansénistes, et se livrent avec excès aux mortifications extérieures, au point de compromettre leur santé; ensuite, voulant se soigner, ils tombent dans le relâchement et passent d'un extrême à l'autre. Ils ont besoin d'apprendre la mesure de la discrétion chrétienne et qu'il ne suffit pas d'avoir au-dessus d'une vive sensibi­lité les trois vertus théologales, qu'il faut aussi entre ces deux domaines les vertus morales de prudence, de justice, de force et de modération, pour que peu à peu la sensibi­lité se discipline, et pour qu'on ne confonde pas ses élans superficiels et passagers avec les hautes aspirations de la foi vive, de l'espérance et de la charité.
La direction est particulièrement nécessaire en cette période de sécheresse prolongée, où la méditation devient difficile, où s'élèvent aussi des tentations assez vives contre la chasteté et la patience, avec parfois des contra­dictions au dehors. Selon saint Jean de la Croix[67], cette épreuve marque le passage de la voie purgative des commençants à la voie illuminative des progressants, à condition pourtant qu'on trouve en elle trois signes qu'un bon directeur peut discerner. Ces trois signes, dont nous parlerons plus loin, sont les suivants : 1° si l'on ne trouve ni goût ni consolations dans les choses divines, ni dans les choses créées ; 2° si l'on garde pourtant d'ordinaire le souvenir de Dieu, avec un vif désir de la perfection et la crainte de ne pas servir Dieu ; 3° si l'on ne parvient pas à méditer d'une façon raisonnée et si l'on se sent porté au simple regard vers Dieu.
Il convient alors en cette crise, qui doit être comme une seconde conversion, de bien écouter un bon direc­teur pour traverser cette période difficile généreusement et ne pas devenir une âme attardée. Nous reviendrons longuement sur ce sujet un peu plus loin[68].



La direction des progressants et des avancés

La nécessité d'un guide pour certaines périodes de la vie des avancés confirme ce que nous venons de dire de sa nécessité pour les commençants. Il n'est pas inutile d'exprimer ici dès maintenant cette confirmation.
Pour les progressants, la direction peut se faire d'ha­bitude plus rapidement; le dirigé connaissant davantage la vie spirituelle peut souvent expliquer d'un mot ce sur quoi il a besoin de conseil. Le directeur devient alors le témoin de la vie de l'âme et de sa marche en avant; il doit être l'instrument du Saint-Esprit pour s'assurer que l'âme est docile à ses inspirations; et pour cela il doit chercher à bien connaître l'action du Maître intérieur en telle et telle âme, pour discerner en chacune, autant que possible, le noir et le blanc, le défaut dominant à com­battre et l'attrait spécial de grâce qu'il faut suivre.
If convient de recourir à lui surtout à l'occasion de la retraite annuelle, pour lui parler de ce qui fait le fond de la vie de l'âme avec une entière franchise, pour s'assurer qu'on ne tombe pas dans les défauts des avancés, orgueil caché et présomption, qui peuvent devenir la source de grandes illusions[69].
Pour le progressant, il y a aussi des périodes difficiles dans lesquelles il a particulièrement besoin d'un bon guide, surtout lorsqu'il a à traverser les épreuves qui marquent l'entrée de la voie unitive, et que saint Jean de la Croix appelle la purification passive de l'esprit.
Celle-ci se présente sous des formes diverses, plus ou moins accentuées, et généralement c'est une privation prolongée de consolations non seulement sensibles, mais spirituelles. Il se produit alors assez souvent de fortes tentations contre la foi, contre l'espérance, et aussi contre la charité fraternelle ou même contre l'amour de Dieu. Il est clair que si l'on a à traverser cette période très diffi­cile, pour ne pas à ce moment reculer, mais aller de l'avant, il convient grandement d'avoir le secours d'un bon directeur. Et celui qui peut ici diriger les autres ne saurait se conduire lui-même, car il n'y a plus « ici de chemin tracé d'avance », dit saint Jean de la Croix[70], il faut suivre l'inspiration du Saint-Esprit et ne pas la confondre avec celle qui pourrait lui ressembler. Ici les âmes d'oraison ont plus particulièrement besoin d'un directeur éclairé et expérimenté. Sainte Thérèse éprou­vait le besoin d'ouvrir complètement son âme à des hommes de doctrine, versés dans les choses de la vie intérieure, pour s'assurer de sa docilité au Saint-Esprit[71]. Les parfaits eux-mêmes éprouvent le besoin de ce secours pour trouver l'harmonie entre la passivité sous l'action divine et l'activité que le Seigneur leur demande pour bien pratiquer la maxime : « fidélité et abandon ». Ils sentent le besoin d'une direction pour garder vif en leur cœur, avec une profonde humilité, l'amour de la Croix.
Nous ne parlons ici qu'en passant et par allusion de la direction des avancés pour dire que si elle est néces­saire pour eux, elle l'est à plus forte raison pour les com­mençants[72].


Les qualités du directeur et les devoirs du dirigé

Comme le dit saint François de Sales au sujet du directeur, « il le faut plein de charité, de science et de prudence : si l'une de ces trois parties lui manquent, il y a du danger[73] ». Sainte Thérèse parlait de même[74].
Sa charité doit être désintéressée et le porter, non pas à s'attacher les cœurs, mais à les conduire vers Dieu. Tauler, sur ce point, est exigeant et dit que certains directeurs qui attirent les âmes à eux sont comme des chiens de chasse qui mangeraient le lièvre au lieu de le rapporter à leur maître. Alors le chasseur les fouaille d'importance.
La bonté charitable du directeur ne doit pas être fai­blesse, elle doit être ferme et ne pas craindre de dire la vérité pour porter efficacement au bien. Il ne doit pas non plus perdre son temps en conversations ou lettres inutiles, mais aller droit au but pour le bien de l'âme.
Il doit avec cela connaître la spiritualité, s'être pénétré de la doctrine des grands maîtres de la vie intérieure et être assez psychologue[75].
Il doit enfin, pour être l'instrument du Saint-Esprit, discerner avec prudence dans les âmes le défaut domi­nant à éviter et l'attrait surnaturel à suivre. Pour cela, il doit prier, pour avoir la lumière, surtout dans les cas difficiles, et, s'il est humble, il recevra les grâces d'état. Il verra qu'il doit stimuler les uns et modérer l'ardeur des autres, et apprendre à ces derniers à ne pas confon­dre la sentimentalité avec l'amour qui se prouve par les œuvres.
Sa prudence, lorsqu'il dirige des âmes généreuses, doit éviter deux écueils : celui de vouloir porter toutes les âmes pieuses indistinctement et rapidement à se don­ner à l'oraison contemplative, et celui de s'imaginer qu'il est inutile de s'occuper de cette question. Il ne faut ici procéder ni trop tôt, ni trop tard; il faut examiner s'il y a, oui ou non, dans les âmes les trois signes qui viennent d'être notés d'après saint Jean de la Croix et plusieurs autres grands maîtres, pour passer de la méditation discursive à la contemplation. Avant cela, il convient et il suffit de rappeler aux âmes qu'elles doivent être dociles aux inspirations du Maître intérieur, dès que celles-ci sont manifestement conformes à leur vocation.


Quant aux devoirs du dirigé, ils dérivent manifestement de ce que nous venons de dire; il doit respecter son directeur comme le représentant de Dieu, éviter deux choses qui seraient contraires à ce respect, et des critiques acerbes et une familiarité excessive. Ce respect doit s'accompagner d'une affection filiale simple, toute spirituelle, qui exclut le désir d'être aimé particulière­ment et les petites jalousies[76].
Le dirigé doit aussi avoir envers son directeur une confiance filiale et une grande ouverture de cœur. Comme l'explique bien saint François de Sales : « Trai­tez avec lui en toute sincérité et fidélité, lui manifestant clairement votre bien et votre mal, sans feintise ni dissi­mulation.[77] »
Enfin, il faut mettre une grande docilité à écouter et à suivre les conseils donnés; autrement on suivrait sa volonté propre plutôt que celle de Dieu. Il n'est pas interdit de faire connaître qu'il y a une sérieuse difficulté à mettre en pratique tel conseil; mais, après l'avoir fait, il faut subordonner notre jugement à celui qui nous dirige. A la rigueur, il peut se tromper, mais nous ne nous tromperons pas en lui obéissant, à moins qu'il ne nous conseille quelque chose de contraire à la foi et aux mœurs; en ce cas, il faudrait le quitter.
Mais ce n'est pas sans raison grave qu'il faut changer de directeur ou de confesseur. Il ne faudrait certes pas le faire par inconstance, orgueil, fausse honte ou curiosité.
Mais on peut le faire si vraiment on s'aperçoit que celui qui nous guide a des vues trop naturelles, une affection trop sensible, et qu'il n'a ni la science, ni la prudence et la discrétion nécessaires.
En dehors de ces cas, il faut garder le plus possible une certaine continuité dans la direction, pour qu'il y ait vraiment esprit de suite et persévérance dans le bon chemin. Ne quittons pas un bon guide, parce qu'il nous reprend pour notre bien. Rappelons-nous ce que disait saint Louis à son fils : « Confesse-toi souvent, et choisis des confesseurs vertueux et savants, qui sachent t'ins­truire de ce que tu dois faire ou éviter, et donne à tes confesseurs de te reprendre et avertir librement. » Voilà la bonne, sainte et forte affection, sans mélange de senti­mentalité, qui est une affectation de sentiment.
Dans ces conditions, le directeur pourra être l'instru­ment du Saint-Esprit pour contrôler son action en nous et pour nous rendre de plus en plus dociles aux inspira­tions divines. Ainsi nous avancerons vraiment sur la voie étroite, qui s'élargit de plus en plus en nous rappro­chant de l'infinie bonté de Dieu à laquelle elle conduit.




Notes

  1. Semon 35.
  2. Confessiones, Soliloquia, De doctrina christiana, De Civitate Dei, Epistota 211a, Enarrationes in Psalmos, In Sermonem Domini in monte (Matth., V), In Joannem, etc.
  3. Epislolae; speciatim, Ep. 22a ad virginem Eustochium.
  4. Collationes (trad. fr, Conférences par Dom Pichery, O. S. B).
  5. Sermons.
  6. Regula.
  7. Expositio in librum Job, sive Moralium libri XXXV; Liber regulae pas­toralis; Homiliae in Ezechielem.
  8. De Spiritu Sancto. Regulae.
  9. Homiliae, De Sacerdotio.
  10. De Divinis nominibus, De ecclesiastica hierarchia, De mystica theologia.
  11. Surtout ses Scolies sur Denys, son Livre ascétique.
  12. Cur Deus homo. Ses méditations et ses prières sont pleines de doc­trine et d’onction.
  13. Sermones de tempore, de sanctis, in Cantica Canticorum; De conside­ratione. Tr. de gradibus humitilatis et superbiae. De diligendo Deo.
  14. Benjamin minor, seu de praeparatione ad contemplationem; Ben­jamin major, seu de gratia contemplationis. Expositio in Cantica Canticorum.
  15. De Vita Spirituali. Ex Commentariis B. Hugonis de Sancto Charo, O. P, super totam bibliam excerpta, Curante Fr. Dionysio Mésard, O. P., Pustet, 1910. Ouvrage excellent divisé en quatre parties : De vita pur­gativa, de vita illluminativa, de vita unitiva, de vita spirituali sacerdotum.
  16. Commentarii in S. Scripturam, speciatim in Joannem. Comm. in Dionysiam. Mariale. De Sacrificio Missae.
  17. Commentarii in Psalmos, in l. Job, in Canticum Canticorum, in Matth.; in Joannem; in Epist. S. Pauli. In Summa Theologica, IIa IIae, de virtutibus theologicis et moralibus nec non de donis in speciali. - De perfectione spirituali. Officium S.S. Sacramenti. Expositio in Symbol. Apost. et in Orationem dominicam.
  18. De triplici via (seu Incendium amoris), Lignum vitae, Vitis mystica, Itinerarium mentis ad Deum, Breviloquium.
  19. Le Dialogue (trad. Hurtaud); Lettres (trad. Cartier).
  20. Sermons (trad. Hugueny et Théry); - édition critique allemande de Vetter, 1910. Les Institutions n’ont pas été rédigées par Tauler, mais contiennent le résumé de sa doctrine.
  21. Die Schriften der heiligen H. Suso, publiées par le P. Denifle, O.P.; (trad. fr. du P. Thiriot, 1899).
  22. Le livre des visions et instructions (trad. E. Hello, et trad: Doncœur). Ce livre parle surtout de la transcendance divine et de la Passion du Sauveur.
  23. Œuvres (tract. du flamand par les Bénédictins de St-Paul de Wisques); voir surtout : Le Miroir du salut éternel, Le livre des sept clôtures (ou des renoncements). L’Ornement des noces éternelles. Ruysbroeck est certainement un des plus grands mystiques, mais ne peut être saisi que par des âmes avancées.
  24. Voir surtout Institutio spiritualis, qui contient la substance des autres écrits de Louis de Blois. La meilleure trad. fr. est celle des Bénédictins de Saint-Paul de Wisques, Œuvres spirituelles du V. L. de Blois. L. de Blois écrivit une défense de la doctrine de Tauler, qu’il explique de façon à le rendre plus accessible.
  25. Abecedario espiritual 1528 (voir surtout le tome 3° qui servit de guide à sainte Thérèse).
  26. Les Exercicess spirituels (éd. fr. Jennesseaux), méthode pour réfor­mer et transformer l’âme en la conformant au divin modèle. Voir aussi Le récit du pèlerin et les Lettres de S. Ignace de Loyola, traduites par le P. Bouix.
  27. Obras de Santa Teresa, editadas y anotadas por et P. Silverio de S. Teresa, 6 vol. Burgos, 1915-1920; petite édition des principales œuvres en 1 vol., 1932; trad. française par les Carmélites de Paris, 6 vol., Paris, ou plus récemment celle du P. Grégoire de Saint-Joseph. A compléter par les Lettres de S. Thérèse, trad. par le P. Grégoire de Saint-Joseph, 3 vol., 2° éd., 1906. Toutes les âmes intérieures peuvent et doivent lire Le che­min de la perfection, de sainte Thérèse.
  28. Obras de San Juan de la Cruz del P. Silverio, Burgos, 5 vol., 1929-31; tr. fr. Hoornaert, 2° éd., 1923, et celle plus récente du P. Grégoire de Saint-Joseph. Le Cantique spirituel (texte critique, notes historiques, version française), par Dom Chevallier, O.S.B., 1930. - Du même la trad. fr. du texte espagnol, sans appareil technique, 1933. - Les avis, sentences et maximes de S. Jean de la Croix, trad. de Dom Chevallier, 1933.
    Dans ces œuvres, la Montée du Carmel montre surtout la purification active de l’âme qui prépare à la contemplation, et qui doit continuer avec elle; La Nuit obscure décrit, avec les défauts des commençants, la purification passive des sens et celle de l’esprit; Vive flamme d’amour décrit la vie d’union en ce qu’elle a de plus élevé. Le Cantique spirituel résume, sous une forme lyrique, la doctrine des autres ouvrages.
  29. Œuvres publiées par les religieuses de la Visitation d’Annecy. L’introduction à la vie dévote décrit la voie purgative et montre comment la dévotion et la sainteté peuvent être pratiquées dans tous les états de vie. Le Traité de l’Amour de Dieu élève les âmes jusqu’à la voie unitive. Les vrais entretiens spirituels, composés pour les Visitandines, font du bien à toutes les âmes religieuses.
  30. Œuvres, 12 vol., Paris, 1905. Disciple de Bérulle et de Condren, S. Jean Eudes rattache les vertus intérieures à la dévotion aux SS. Cœurs de Jésus et de Marie. Lire La vie et le royaume de Jésus dans les âmes chré­tiennes; Le Cœur admirable de la Mère de Dieu; Le Mémorial de la vie ecclé­siastique.
  31. Élévations sur les mystères, Méditations sur l’Évangile, Traité de la Concupiscence, Lettres de direction, Les états d’oraison.
  32. Le Guide des pécheurs, Traité de l’oraison et de la méditation, Le Mémorial de la vie chrétienne
  33. La Croix de Jésus, nouv. éd. 1937, Les Méditations sur la Passion.
  34. Le plus parfait (l’abandon), La Présence de Dieu, L’Oraison du cœur, État du pur amour, La clef du pur amour, La vie cachée.
  35. Traité de la véritable oraison, éd. Rousset (1900), Méditations de saint Thomas sur les trois voies, éd. Florand (1934).
  36. Guide spirituel, De la perfection du chrétien en tous les états, De la perfection du chrétien dans l’état ecclésiastique, Méditations sur les mystères de notre foi.
  37. La doctrine spirituelle, ouvrage très substantiel, où l’on montre comment, par la pureté du cœur, la docilité au Saint-Esprit, le souve­nir fréquent et affectueux de Dieu présent en elle, l’âme arrive à la contemplation, acte de la foi vive, éclairée par les dons.
  38. Les fondements de la vie spirituelle, La guide spirituelle, où se trouve développée la doctrine du P. Lallemant; Traité de l’Amour de Dieu.
  39. Abandon à la divine Providence, livre admirable (voir aussi l’édition abrégée par le P. Ramière) qui a fait un grand bien à beaucoup d’âmes, Instructions spirituelles sur les divers états d’oraison.
  40. Maximes spirituelles, Méditations en forme de retraite sur l’amour de Dieu, Retraite spirituelle, Manuel des âmes intérieures. La doctrine exposée dans ces ouvrages est la même que celle du P. Lallemant.
  41. Œuvres complètes; 1657 et 1856, voir surtout Le Discours de l’État et des Grandeurs de Jésus.
  42. L’idée du sacerdoce et du sacrifice, Condren complète Bérulle, en montrant en Jésus, l’adorateur du Père, le prêtre principal du sacrifice auquel nous devons nous unir tous les jours.
  43. Vérités et excellences de Jésus-Christ (méditations).
  44. Correspondance, Entretiens, publiés par le P. Coste, 1920.
  45. Le catéchisme chrétien pour la vie intérieure (les vertus crucifiantes, voie de l’union intime avec Notre-Seigneur), La journée chrétienne, Le Traité des Saints-Ordres. L’introduction à la vie et aux vertus chrétiennes.
  46. Le Règne de Dieu en l’oraison mentale.
  47. Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, Le secret de Marie.
  48. Opere ascetiche, nouv. éd. Rome, 1933, Le grand moyen de la prière. Selva : du sacrifice de Jésus-Christ.
  49. Saint Benoit (Régle, ch. XLVIII) dit que la lectio ainsi faite est le premier degré de la série ascendante : « Lectio, cogitatio, studium, meditatio, oratio, contemplatio. » Cf. DOM DEI.ATTE, Commentaire de la Règle de saint Benoît, ch. XLVIII.
    Saint Thomas, qui reçut sa première formation des Bénédictins, a conservé cette gradation qui s’achève dans la contemplation : lection, cogitatio, studium, meditatio, oratio, contemplatio (IIa IIae, q. 80, a. 3).
  50. « Si ad legendum accedat, non tam quaerat scientiam quam saporem. » In spec. monach.
  51. Rom., II, 13. Item Jac , I, 22 : « Estote factores legis et non audi­tores tantum. »
  52. Luc., VIII, 8-15.
  53. Epist. Testem benevolentiae, 22 janv. 1899.
  54. Sermo de abd. rer.
  55. I Cap. I Isaiae.
  56. Sermo 112 de temp.
  57. Collationes, II, 14, 15, 24.
  58. Ibid., II, 2, 5, 7, 10.
  59. De diversis, sermo VIII, 7.
  60. Epist. 87, n° 7.
  61. Vie par elle-même, ch. XIII
  62. Sentences et avis spirituels, n. 229, tr. Hoornaert, p. 372.
  63. Introd. à la vie dévote, III° Partie, ch.XXVIII.
  64. Introd. à la vie dévote, III° Partie, ch.XXVIII.
  65. Cf. SAINT JEAN DE LA CROIX, Nuit obscure, l. 1, ch. I à VII. Défauts des commençants : penchant à l’orgueil, à la gourmandise spirituelle, à l’envie, à la colère, à la paresse.
  66. Sainte Thérèse (IV° Demeure, ch. II) apprend aussi à bien distinguer les goûts divins produits par la contemplation infuse et les conten­tements ou consolations de l’oraison active. Les goûts divins viennent directement de l’action de Dieu, tandis que les contentements viennent de notre activité aidée de la grâce; « seuls les goûts divins coulent de notre fond le plus intime, avec une paix, une tranquillité.. une suavité extrême » (ibid.). - De plus, les effets ne sont pas moins différents que l’origine. « A peine cette eau céleste a-t-elle commencé à jaillir de la source.... qu’aussitôt on dirait que tout notre intérieur se dilate et s’é­largit. Ce sont alors des biens spirituels qui ne se peuvent dire... L’âme respire comme une excellente odeur... comme si dans ce fond intérieur il y avait un brasero où l’on jetterait des parfums exquis » (ibid.). Le Seigneur veut faire ainsi connaître à l’âme qu’il est tout près d’elle. Ce serait une grave méprise de confondre des consolations sensibles avec ces goûts divin.
  67. Nuit obscure, l. 1, ch. IX.
  68. Au début de la III° Partie : Entrée dans la voie illuminative (la nuit des sens).
  69. Cf. SAINT JEAN DE LA CROIX, Nuit obscure, l. II, ch. II : défauts des avancés.
  70. Cf. le Prologue de la Montée du Carmel et l’image mise par le saint au début de cet ouvrage.
  71. Vie, ch. XIII. « Ceux qui marchent par les voies de l’oraison ont besoin de communiquer avec des hommes doctes; il en ont plus besoin que les autres; et cela, à proportion qu’ils seront plus spirituels. »
  72. Cf. infra, IV° Partie : L’entréee dans la voie unitive (La nuit de l’esprit).
  73. Introd. à la vie dévote, I° partie, ch. IV.
  74. Cf. Vie, ch. XIII : « II est très, important que le directeur soit éclairé : j’entends qu’il ait un jugement droit et de l’expérience. Si avec cela il est théologien, c’est parfait. Mais si l’on n’en peut trouver un qui réunisse ces trois avantages, mieux vaut qu’il possède les deux premiers, parce qu’on peut, en cas de besoin, consulter des hommes de doctrine. A mon avis, ces derniers, s’ils ne sont pas adonnés à l’orai­son, sont peu utiles à des commençants; cependant, je suis loin de déconseiller les rapports avec eux... La doctrine est une grande chose... Quant aux dévotions niaises, Dieu nous en délivre. »
  75. L’étude de la psychologie lui est particulièrement nécessaire lorsqu’il a à diriger des personnes atteintes d’hystérie, de psychasténie ou de neurasthénie. Il doit connaître aussi quels troubles mentaux proviennent de certaines maladies comme la maladie de Basedow (hypertrophie de la glande thyroïde) et autres désordres dans le fonc­tionnement des glandes endocrines, surtout à l’âge critique. De là peut provenir une intoxication chronique et progressive, qui engendre quelque confusion mentale avec idées fixes.
    Cf. Robert de Sinéty, S. J., Psychopathologie et direction. Paris, Beau­chesne, 1934, où il est parlé aussi de la psychopathologie religieuse, des prodromes de psychopathie, et où l’on trouve des conseils pratiques pour la conduite des psychopathes.
  76. Cf. Saint françois de Sales, Vie dévote, I° P. ch. IV.
  77. Ibidem.