Garrigou-Lagrange, Réginald Fr., Les trois âges de la vie intérieure - Introduction

De Christ-Roi
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Sommaire
Tome I - PREMIÈRE PARTIE - Introduction

TITRE

TRAITÉ DE THÉOLOGIE ASCÉTIQUE ET MYSTIQUE



LES TROIS AGES DE LA VIE INTÉRIEURE

PRÉLUDE DE CELLE DU CIEL


PAR
le P. RÉG. GARRIGOU-LAGRANGE, O. P.

Professeur de dogme et de théologie mystique
à l'Angelico, Rome.

Tome Ier


LES ÉDITIONS DU CERF
29, Bd DE LATOUR-MAUBOURG

PARIS VIIe









Nous avons examiné le livre du P. Réginald Garrigou-Lagrange, O. P., maître en théologie, intitulé : Traité de théologie ascétique et mystique : Les trois âges de la vie intérieure, nous le trouvons conforme à la doctrine de saint Thomas, de nature à éclairer les âmes intérieures, et nous en approuvons l'impression.



Rome, Angelico, 24 juin 1938.

fr. Thomas Philippe, O. P.
Lecteur en théologie.

fr. Paul Philippe, O. P.
Lecteur en théologie.



Imprimi potest.

fr. S.-M. Gillet O. P.
Magist. gen.


Imprimatur.
Pictavii, die 8a julii 1938.

M. Backès,
v. g.








SANCTAE DEI GENITRICI


in signum

gratitudinis et filialis obedientiae,





AVANT-PROPOS

Cet ouvrage est comme le résumé d'un cours d'ascétique et de mystique que nous avons fait depuis vingt ans à la Faculté de Théologie de l'Angelico à Rome. Nous y reprenons d'une façon â la fois plus simple et plus haute l'étude des mêmes sujets que nous avons traités en deux autres ouvrages : Perfection chrétienne et contemplation, 1923, et L'Amour de Dieu et la Croix de Jésus, 1929. Comme on nous l'avait demandé, nous avons réuni ici les recherches précédentes en une synthèse où les diverses parties s'équilibrent et s'éclairent mutuellement. Sur le conseil qui nous a été donné de divers côtés, nous avons éliminé de cet exposé les discussions sur lesquelles il n'était plus nécessaire de revenir. Le livre ainsi conçu est accessible à toutes les âmes intérieures.
Si nous ne lui avons pas donné la forme d'un manuel, c'est qu'il ne s'agit pas d'accumuler des connaissances, comme on le fait trop souvent dans le surmenage scolaire, mais de former l'esprit, de lui donner la fermeté des principes et la souplesse requise pour la variété de leurs applications, afin qu'il soit ensuite capable de juger les problèmes qui se présentent. C'est ainsi qu'on concevait autrefois les humanités, tandis que souvent, aujourd'hui, les intelligences sont transformées en manuels, en répertoires, ou encore en recueils d'opinions et de recettes, dont on ne cherche pas à connaître les raisons, ni les conséquences profondes.
Du reste, les questions de spiritualité, du fait qu'elles sont des plus vitales et parfois des plus secrètes, n'entrent pas facilement dans les cadres d'un manuel ; où, pour être plus clair, on court grand risque d'être superficiel en classant matériellement les choses, et en substituant un mécanisme artificiel au dynamisme profond de la vie de la grâce, des vertus infuses et des dons. C'est ce qui explique que les grands spirituels n'ont point exposé leur pensée sous cette forme schématique, qui risque de nous donner un squelette là où l'on cherche là vie.
Dans ces questions, nous avons surtout suivi trois docteurs de l'Eglise qui les ont traitées chacun à leur point de vue : saint Thomas, saint Jean de la Croix et saint François de Sales. A la lumière des principes théologiques de saint Thomas nous avons cherché à saisir ce qu'il y a de plus traditionnel dans la doctrine mystique de l'auteur de la Nuit obscure et dans le Traité de l'amour de Dieu de saint François de Sales.
Nous avons trouvé ainsi une confirmation de ce que nous croyons être la vérité sur la contemplation infuse des mystères, de la foi, qui nous apparaît de plus en plus dans la voie normale de la sainteté ; et comme moralement nécessaire à la pleine perfection de la vie chrétienne. Chez certaines âmes avancées, cette contemplation infuse n'apparaît pas encore comme un état habituel, mais de temps en temps comme un acte transitoire, qui reste, dans l'intervalle, plus ou moins latent, bien qu'il éclaire toute leur vie. Cependant, si ces âmes sont généreuses, dociles au Saint-Esprit ; fidèles à la prière, au recueillement intérieur continuel, leur foi devient de plus en plus contemplative, pénétrante et savoureuse, et elle dirige leur action en la rendant de plus en plus féconde. En ce sens, nous maintenons et nous expliquons ici ce qui nous paraît être l'enseignement traditionnel et ce qui est de plus en plus admis aujourd'hui : prélude normal de la vision du ciel, la contemplation infuse des mystères de la foi est, par la docilité au Saint-Esprit, la prière et la croix, accessible à toutes les âmes intérieures ferventes.
Nous croyons aussi que, selon la doctrine des plus grands spirituels, notamment de saint Jean de la Croix, il y a un degré de perfection qui ne s'obtient pas sans les purifications passives proprement dites, qui sont un état mystique. Cela nous parait nettement indiqué par toute la doctrine de saint Jean de la Croix sur ces purifications passives, et en particulier par ces deux textes capitaux de la Nuit obscure, l. I, ch. VIII : " La purification passive des sens est commune, elle se produit chez le grand nombre des commençants "; et ibidem, l. I, ch. XIV : " Les progressants ou avancés se trouvent dans la voie illuminative ou de contemplation infuse, dans laquelle Dieu nourrit et fortifie l'âme sans discours, ni aide active de sa part. "
Nous n'avons jamais dit, d'ailleurs, comme on nous l'a attribué, que " l'état de contemplation infuse proprement dite soit l'unique voie normale pour arriver à la perfection de la charité ". Cette contemplation infuse ne commence en effet généralement qu'avec la purification passive des sens, ou, selon saint Jean de la Croix, au début de la pleine voie illuminative telle qu'il la décrit ; beaucoup d'âmes sont donc dans la voie normale de la sainteté avant d'avoir reçu la contemplation infuse proprement dite ; mais celle-ci, disons-nous, est dans la voie normale de la sainteté, au sommet de cette voie.
Sans être pleinement d'accord avec nous, un théologien contemporain, professeur de théologie ascétique et mystique à l'Université grégorienne, écrivait au sujet de notre livre Perfection chrétienne et contemplation, et de celui du P. Joret, O. P., La contemplation mystique d'après saint Thomas d'Aquin : " Que cette doctrine soit remarquablement charpentée, et d'une superbe venue ; qu'elle mette en belle lumière les richesses spirituelles de la théologie dominicaine dans la forme définitive que lui ont donnée, aux XVI° et XVII° siècles, les grands interprètes de saint Thomas que furent Cajétan, Bañez et Jean de Saint-Thomas; que la synthèse ainsi présentée groupe dans une forte et harmonieuse unité une masse considérable d'enseignements et d'expériences de la tradition spirituelle catholique, qu'elle permette de mettre en pleine valeur beaucoup des plus belles pages de nos grands contemplatifs, personne ne saurait le contester sérieusement[1]. "
L'auteur de ces lignes ajoute sans doute que tout dans cette synthèse n'est pas d'égale valeur et ne s'impose, pas avec la même autorité. Il est sur qu'après les vérités de foi et les conclusions théologique communément reçues, qui représentent ce qu'il y a de plus certain dans l'acquis de la science théologique, ce que nous avançons sur l'autorité d'un saint Thomas et de ses meilleurs commentateurs ne s'impose pas à notre adhésion au même titre que les principes qui en sont le fondement. Cependant il est difficile de soustraire de cette synthèse un seul élément important sans en compromettre la solidité et l'harmonie.
Un accord notable n'est-il pas déjà réalisé, du fait que les critiques les plus attentifs reconnaissent l'admirable charpente et la superbe venue d'une doctrine ?


Le Congrès carmélitain de Madrid, en 1923, dont les conclusions furent publiées dans la revue E1 Monte Carmelo de Burgos, en mai 1923, reconnaissait la vérité de ces deux points importants au sujet de la contemplation infuse (Thème V) : " L'état de contemplation se caractérise par la prédominance croissante des dons du Saint-Esprit et par le mode suprahumain avec lequel s'exercent toutes les bonnes actions. - Comme les vertus trouvent leur ultime perfection dans les dons, et comme ceux-ci trouvent leur actualisation parfaite dans la contemplation, il en résulte que la contemplation est le " chemin " ordinaire de la sainteté et de la vertu habituellement héroïque. "
Dans son Précis de théologie ascétique et mystique, 1928, M. Tanquerey, Sulpicien, se rallie aussi à cet enseignement, dans la mesure où il écrit (n° 1564) : " La contemplation infuse, quand on la considère indépendamment des phénomènes mystiques extraordinaires qui parfois l'accompagnent ; n'est pas quelque chose de miraculeux, d'anormal, mais résulte de deux causes : la culture de notre organisme surnaturel, surtout des dons du Saint-Esprit, et d'une grâce opérante qui elle-même n'a rien de miraculeux... Cette doctrine semble bien être la doctrine traditionnelle telle qu'on la trouve dans les auteurs mystiques, depuis Clément d'Alexandrie jusqu'à saint François de Sales. " - " Presque tous ces auteurs traitent, de la contemplation comme du couronnement normal de la vie chrétienne " (ibidem, n° 1566).
On peut citer dans le même sens ce que dit saint Ignace de Loyola dans une lettre bien connue à saint François de Borgia (Rome, 1548) : " Sans ces dons (impressions et illuminations divines), toutes nos pensées, paroles et œuvres sont imparfaites, froides et troubles; nous devons désirer ces dons, afin que par eux elles deviennent justes, ardentes et claires, pour le plus grand service de Dieu. " ; En 1924, le P, Louis Peeters, S. J., en une intéressante étude : Vers l'union divine par les exercices de saint Ignace, ch. VIII (Museum Lessianum, Bruges), écrivait : " Que pense l'auteur des Exercices de la vocation universelle à l'état mystique ? - Impossible d'admettre qu'il la considère comme une exception quasi anormale... On connaît sa confiance optimiste en la libéralité divine : " Peu d'hommes, disait-il, soupçonnent ce que Dieu ferait d'eux s'ils n'y mettaient obstacle. " Il est vrai, telle est la faiblesse humaine que seule une élite singulièrement généreuse accepte les redoutables exigences de la grâce. L'héroïsme ne fut jamais, ne sera jamais banal, et la sainteté ne se conçoit pas sans héroïsme...
" Dans tout le livre des Exercices, avec une insistance, qui révèle sa profonde conviction, il offre à ses généreux disciples l'espoir illimité des divines communications, la possibilité d'atteindre Dieu, de goûter la suavité de la divinité, d'entrer en communication immédiate avec Dieu ; d'aspirer à la familiarité divine. " Plus l'âme, dit-il, s'attache à Dieu et se montre généreuse envers lui, plus elle devient apte à recevoir en abondance les grâces et les dons spirituels... "
" C'est encore trop peu dire. Les grâces d'oraison ne lui paraissent pas seulement souhaitables, mais hypothétiquement nécessaires à l'éminente sainteté, spécialement dans les hommes apostoliques[2] "; On ne saurait s'exprimer plus nettement.


C'est ce que nous avons voulu montrer dans le présent ouvrage. L'accord s'accuse de plus en plus sur ces grandes questions, et il est souvent plus réel qu'il ne parait. Les uns, théologiens de profession, comme nous, considèrent la vie de la grâce, germe de la gloire, en elle-même pour juger de ce que doit être le plein développement normal des vertus infuses et des dons, la disposition prochaine à recevoir immédiatement la vision béatifique, sans passer par le purgatoire, en d'autres termes dans une âme pleinement purifiée qui a bien profité des épreuves de la terre et n'a plus à expier ses fautes après la mort. Il sait de là que la contemplation infuse est dans la voie normale de la sainteté, en principe ou en droit, bien qu'il y ait des exceptions qui proviennent du tempérament individuel, ou des occupations absorbantes, ou du milieu peu favorable, etc.[3]
D'autres auteurs, considérant surtout les faits ou les âmes individuelles dans lesquelles se trouve la vie de la grâce, déclarent qu'il est des âmes intérieures vraiment généreuses qui ne parviennent pas à ce sommet, qui est pourtant en soi le plein développement normal de la grâce habituelle, des vertus infuses et des dons.
Or la théologie spirituelle doit, comme toute science, considérer la vie intérieure en elle-même, et non en telle ou telle âme individuelle au milieu de telles ou telles circonstances peu favorables ; De ce qu'il y a des chênes mal venus, il ne suit pas que le chêne n'est pas un arbre de haute futaie. La théologie spirituelle, tout en notant les exceptions qui peuvent provenir de l'absence de telle ou telle condition, doit surtout établir quelles sont les lois supérieures du plein développement de la vie de la grâce prise en soi, et quelle est la disposition prochaine à recevoir immédiatement la vision béatifique dans une âme pleinement purifiée. Le purgatoire, étant une peine, suppose une faute que nous aurions pu éviter et que nous aurions pu expier avant la mort en acceptant de mieux en mieux les peines de la vie présente. Nous cherchons ici quelle est la voie normale de la sainteté ou d'une perfection telle qu'on pourrait entrer au ciel sitôt après la mort. De ce point de vue, il faut considérer la vie de grâce en tant qu'elle est le germe de la vie éternelle, et c'est donc la juste idée de la vie éternelle, terme de notre course, qui doit éclairer tout le chemin à parcourir. Le mouvement n'est pas spécifié par son point de départ, ni par les obstacles qu'il rencontre, mais par le but vers lequel il tend. Ainsi la vie de grâce doit se définir par la vie éternelle dont elle est le germe ; dès lors, la disposition prochaine et parfaite à recevoir aussitôt la vision béatifique est dans la voie normale de la sainteté.
Dans les pages qui suivent, nous insistons beaucoup plus sur les principes généralement reçus en théologie ; en montrant leur valeur et leur rayonnement, que sur la variété des opinions proposées par des auteurs souvent bien secondaires sur tel ou tel point particulier. Il y a des ouvrages récents, indiqués plus haut, qui mentionnent en détail toutes ces opinions ; nous nous proposons un autre but, et c'est pourquoi nous ne citons guère que les plus grands maîtres. Le recours constant aux fondements de leur doctrine nous paraît être ce, qu'il y a de plus nécessaire à la formation de l'esprit, qui importe plus que l'érudition. Le secondaire ne doit pas faire oublier le principal, et la complexité de certaines questions ne doit pas faire perdre de vue la certitude des grands principes directeurs qui éclairent toute la spiritualité. Il faut surtout ne pas se contenter de redire ces principes comme des lieux communs, mais les scruter, les approfondir et y revenir constamment pour les mieux entendre.
Sans doute on s'expose ainsi à des redites ; mais ceux qui cherchent, au-dessus des opinions contingentes qui peuvent avoir la vogue pendant quelques années, la vraie science théologique savent qu'elle est surtout, une sagesse ; qu'elle n'est pas tant préoccupée de déduire des conclusions nouvelles, mais de rattacher toutes les conclusions plus ou moins nombreuses aux mêmes principes supérieurs, comme les divers côtés d'une pyramide au même sommet. Alors le fait de rappeler à propos de tout le principe le plus élevé de la synthèse n'est pas une répétition, mais une façon de se rapprocher de la contemplation circulaire, qui, dit saint Thomas (IIa IIae , q. 180, a. 6), revient toujours à la même Vérité éminente pour en mieux saisir toutes les virtualités, et qui, comme le vol de l'oiseau, décrit plusieurs fois le même cercle autour du même Point. Ce centre, comme le sommet de la pyramide, est à sa manière un symbole de l'unique instant de l'immobile éternité, qui correspond à tous les instants successifs du temps qui s'écoule. De ce point de vue, on nous pardonnera d'avoir redit à plusieurs reprises les mêmes leitmotivs qui font le charme, l'unité, et la grandeur de la. théologie spirituelle.



PRINCIPAUX AUTEURS A CONSULTER

Ouvrages historiques généraux
P. POURRAT : La spiritualité chrétienne : 1. Des origines au moyen âge, Paris, 1918. Le moyen âge, 1921; III-IV Les temps modernes, 1925-1928 (tr. en anglais, Londres, 1922)
M. VILLER : La spiritualité des premiers siècles chrétiens, Paris, 1930.
F. VERNET : La spiritualité médiévale, Paris, 1929.
G. BARDY : La vie spirituelle d'après les pères des trois premiers siècles, Paris, Bloud, 1935.

Recueils
J. De GUIBERT, S. J. : Documenta ecclesiastica christianae perfectionis studium spectantia, Romae, 1931
ROUET DE JOURNEL-DUTILLEUL, S. J. : Enchiridion Asceticum, 2e éd., Herder, 1836.

Principales revues
Revue d'Ascétique et de Mystique (Toulouse), depuis 1920.
La Vie Spirituelle (Paris), depuis 1920.
Vida sobrenatural (Salamanca,), depuis 1921.
Vita cristiana (Fiesole), 1929.
Etudes Carmélitaines, depuis 1911, 2e série, 1931.
Zeichschrift für Aszese und Mystik (Innsbruck), depuis 1934.
Dictionnaire de spiritualité, en cours de publication, depuis 1932.



AUTEURS SPIRITUELS

Époque patristique

Patrologie grecque

S. CLEMENT : Lettre à l'église de Corinthe (vers 95) sur la concorde, l'humilité, l'obéissance.
CLEMENT d'ALEXANDRIE : Le Pédagogue (après 195), par l'ascèse à la contemplation. - Stromates, notamment : VI, 8, 9, 12; V, 11, 12; VII, 7; IV, 3, 23.
S. ATHANASE (297-373) : Vie de saint Antoine ; où est décrite la spiritualité du patriarche des moines et des cénobites.
S. CYRILLE de JÉRUSALEM (315-386) : Catéchèses, qui contiennent le portrait du vrai chrétien.
S. BASILE (330-379) : Sur le Saint-Esprit, son influence dans l'âme régénérée. Règles de la discipline monastique d'Orient. Homélies.
S. GRÉGOIRE de NYSSE (335-395) : Vie de Moyse, où il traite de l'ascension de l'âme vers la perfection.
S. GRÉGome DE NAZIANZE (330-390) : Sermons, notamment Oratio XXXIX,. C. VIII, IX, X.
S. JEAN CHRYSOTOME (344-407) : Homélies, Sur le Sacerdoce.
S. CYRILLE d'ALEXANDRIE († 444) : Thesaurus, Homélies, et Commentaire sur l'Évangile de saint Jean, en particulier l. IV sur l'Eucharistie; et l. V sur l'habitation du Saint-Esprit dans les âmes.
PS.-DENYS (vers 500) : Des noms divins, La théologie mystique, De la hiérarchie ecclésiastique, Lettres.
S. JEAN CLIMAQUE († 649) : L'Échelle du Paradis, résumé d'ascétique et de mystique pour les moines d'Orient.
DIADOQUE, évêque de Photique : Traité de la Perfection (éd. Teubner, 1912).
S. MAXIME LE CONFESSEUR (580-662) : Scolies sur Denys, et son Livre ascétique; il explique la doctrine de Denys sur la contemplation.
S. JEAN DAMASCÈNE (675-749) : Sur les vertus et les vices, Parallèles sacrés, sur la Transfiguration, sur Noël et sur Pâques.
S. EPHREM, au IV° siècle, dans la littérature syriaque, a écrit des œuvres foncièrement mystiques par leur haute inspiration, cf. J. Lamy, S. Ephraem syri Hymni et sermones, 4 vol., 1882-1902.


Patrologie latine

S. CYPRIEN (200-258) : De habitu virginum; De rVminica oratione; De bono patientiae; De zelo et livore.
S. AMBROISE (337-397) : De officiis ministrorum; De virginibus; De virginitate; De viduis; De Isaac et anima, c. III, .VIII; In Ps. CXVIII, sermo VI.
S. AUGUSTIN (354-430) : Confessiones, IX, 10; X, 40; Soliloquia; De doctrina christiana; De civitate Dei; Epist. 211; De quantitate animae, c. XXXIII; De Sermone Domini in monte, l. 1, c. III et IV ; Enarr. in ps. 33, v, 5.
CASSIEN (360-435) : Collationes, trad. fr. par Dom Pichery, éd. du Cerf; voir notamment IX° et X° Conférences.
S. LÉON (pape, 440-461) : Sermones.
S. BENOÎT (480-543) : Regula, éd. critique de Butler, 1912, règle pleine de discrétion, qui est devenue celle de presque tous les moines d'Occident jusqu'au XIII° siècle.
S. GRÉGOIRE LE GRAND (540-604) : Expositio in librum Job, sive Moralium, libri XXXV; Liber regulae pastoralis, Homiliae in Ezechielem, speciatim l. II, hom. II, III, V.
S. BEDE LE VÉNÉRABLE (VIII° s.) : In Lucam.
S. PIERRE DAMIEN (XI° s.) : De la perfection des moines, ch. VIII, X.


Au Moyen-Age

Spiritualité bénédictine et cistercienne

Spiritualité contemplative et liturgique
S. ANSELME (1033-1109) : Meditationes; Orationes; Cur Deus homo.
S. BERNARD (1090-1153) Sermones de tempore; de sanctis; de diversis; in Cantica Canticorum; De consideratione; Tr. de gradibus humilitatis : De conversione, c. XII-XIV; De diligendo Deo. Cf. E. Gilson : La théologie mystique de saint Bernard, 1934.
Ste HILDEGARDE († 1179) : Liber divinorum operum.
Ste GERTRUDE (1256-1301) et Ste MECHTILDE : leurs Révélations montrent une grande dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, trad. fr par les Bénédictins de Solesmes.
Ste BRIGITTE (1302-1373) : Révélations, en particulier sur la Passion de Notre-Seigneur.
JEAN DE CASTEL : De adhaerendo Deo, longtemps attribué à saint Albert le Grand, De lumine increato, 1410.
GARCIA DE CISNEROS († 1510) : Ejercitatorio de la vida espiritual, ouvrage qui prépare en un sens les Exercices de saint Ignace.
Dom C. BUTTLER : Le monachisme bénédictin, De Gigord, 1924,

Il faut citer aussi :
S. LAURENT JUSTINIEN (1380-1455), réformateur des chanoines réguliers en Italie : De humilitate; De perfectionis gradibus; De incendio divini amoris; De vita solitaria.


École de saint Victor

HUGUES († 1141) : Homilia I in Eccl., De Anima, l. III, c. XLIX; De sacramentis christianae fidei; De vanitate mundi; Soliloquium de arrha animae; De laude caritatis; De modo orandi; De amore sponsi ad sponsam; De meditando.
RICHARD († 1173) : Benjamin minor, seu de praeparatione ad contemplationem, Benjamin major seu de gratia contemplationis; Expositio in Cantica Canticorum; De quatuor gradibus violentae caritatis (tr. fr. Éditions du Cerf.: Des quatre degrés de l'amour ardent).
ADAM († 1177) : Sequentiae.


Spiritualité carthusienne

Spiritualité contemplative et vie solitaire :
Dom GUIGUES II : Scala claustralium (lectio, meditatio, oratio, contemplatio), cf. c. X, trad. fr. L'Échelle du paradis, Éd. du Cerf.
HUGUES DE BALMA (XIII° siècle) : Theologia mystica.
LUDOLPHE LE CHARTREUX (1300-1370) : Vie de Notre-Seigneur par manière de méditation, qui fut très lue au moyen âge.
DENYS LE CHARTREUX (1402-1471) : De conversione peccatoris; Speculum conversionis; De fonte lucis; De contemplatione; Tractatus de Donis Spiritus Sancti, De discretione spirituum, Commentar. in Dionysium (éd. des Chartreux de Montreuil-sur-Mer, commencée en 1886).
JEAN LANSPERGE († 1539) : Alloquium Christi ad animam fidelem; Opuscula spiritualia; ces ouvrages montrent sa grande dévotion au Sacré-Cœur.
L. SURIUS (1522-1578) : De probatis Sanctorum historiis. Il traduisit en latin les sermons de Tauler.
MOLINA LE CHARTREUX (1560-1612) : Instruccion de Sacerdotes, Exercicios spirituales.


Spiritualié dominicaine

Sur une forte base doctrinale, elle unit la prière liturgique et la contemplation, avec l'action apostolique, comme on le voit dans la vie de saint Dominique :
HUGUES DE SAINT-CHER († 1263) : De Vita spirituali. Ex commentariis Hugonis de Sancto Charo O. P. super totam bibliam excerpta, curante Fr. Dionysio Mésard, O. P., Pustet, 1910. Ouvrage excellent, divisé par le P. Mésard en quatre parties : De vita purgativa, de vita illuminativa, de vita unitiva, de vita spirituali sacerdotum.
Ex HUMBERT DE ROMANS († 1277), 5° Maître Général des Frères Prêcheurs : Exposito super Regulam S. Augustini et Constitutiones Fr. Praedicatoram, éd. Berthier, Rome, 1888.
S. ALBERT LE GRAND (1206-1280) : Commentarii in Joannem, in Dionysium, Mariale, De sacrificio Missae.
S. THOMAS (1225-1274) : Commentarii in Psalmos; in lib. Job; in Canticum canticorum; in Matth.; in Joann.; in Epist. S. Pauli; Summa Theologica, il y traite longuement des vertus en général et de chacune en particulier, des sept dons du Saint-Esprit, de l'état de perfection, des grâces gratis datae, du ravissement, de l'influence des bons et des mauvais anges; en particulier le traité de la charité expose les principes de la plus solide spiritualité. - Voir aussi ses opuscules : De perfectione spirituali; Expositio in Symbol. Apost. et in Orat. dominic.; Officium S. S. Sacramenti. Cette doctrine toute objective dépasse la spiritualité particulière d'un ordre religieux; ici encore saint Thomas mérite le nom de Doctor communis dans l'Eglise.
S. VINCENT FERRIER (1346-1419) : De vita spirituali, tra. fr. par P. V. Bernardot, éd. du Cerf, 1918
Ste CATHERINE DE SIENNE (1347-1380) : Le Dialogue (trad. fr. par le P. Hurtaud, 1913); Lettres (trad. fr. par E. Cartier, 1860). Œuvres complètes en italien éditées par Girolamo Gigli, Sienne, 1707, éd. Tommaseo, Firenze 1860.
TAULER († 1361) : Sermons (édition critique allemande de Vetter, 1910, trad. fr. Hugueny et Théry, 1930). Les Institutions n'ont pas été rédigées par Tauler, mais sont extraites de ses sermons et contiennent un résumé de sa doctrine.
Bx HENRI SUSO († 1365) : Die Schriften des heiligen H. Suso, publiées par le P. Denifle, 0. P. (trad, fr. du P. Thiriot, 1899).


Spiritualité franciscaine

Elle porte l'âme à vivre surtout de l'amour de Jésus crucifié, par la pratique de l'abnégation et surtout de la pauvreté évangélique.
S. FRANCOIS D'ASSISE (1181-1226) : Opuscules, éd. Crit. De Quaracchi, 1904.
S. BONAVENTURE (1221-1274) : il a traité longuement des vertus et des dons du Saint-Esprit dans ses Commentaires sur l'Ecclésiaste, le livre de la Sagesse, les Év. de S. Jean et de S. Luc, dans ceux sur les IV livres des Sentences, et dans les œuvres proprement spirituelles : De triplice via, Itinerarium mentis ad Deum, Breviloquium (éd. de Qharacchi; t. V et VIII). - Cf. Dict. de Spirit., art. S. Bonaventure, par le P. E. Longré, O. F. M.
Bse ANGÈLE DE FOLIGNO († 1309) : Le livre des visions et instructions, trad. par E. Hello, et plus récemment par le P. Doncœur.
Ste CATHERINE DE BOLOGNE (1413-1463) : Les sept armes spirituelles contre les ennemis de l'âme.


L'École mystique flamande

Bx JEAN RUYSBROECK (1293-1381) : Œuvres traduites du flamand par les Bénédictins de l'Abbaye de Saint-Paul de Wisques : Le miroir du Salut éternel, Le Livre des sept clôtures, L'Ornement des noces spirituelles.
GERARD GROOT († 1384) qui écrivit en flamand plusieurs opuscules de spiritualité.
GERLAG PETERS (1378-1411) : Soliloquium ignitum, trad. fr. par Dom E. Assemaine sous le titre de Soliloque enflammé (éd. du Cerf).
THOMAS A KEMPIS (1379-1471), auteur très probable de l'Imitation de Jésus-Christ[4]; il composa divers opuscules de grande piété : Soliloquium animae, Vallis liliorum, Cantica, De elevatione mentis, etc., éd. Pohl, Fribourg, 1902-1922.
JEAN MAUBURNE (Mombaer) : Rosetum exercitiorum spiritualium (1491), grande compilation où il est parlé des méthodes de méditations. Cf. Debongnie, Louvain, 1928.


Fin du moyen âge

A la fin du moyen âge; il faut citer aussi :
GERSON (1363-1429), qui, malgré certaines thèses nominalistes absolument subversives (nullus est actus intrinsece malus ex objecto), a écrit de bons ouvrages spirituels : La prière, La Communion, La Montagne de la contemplation; La Théologie mystique spéculative et pratique; La perfection du cœur; Considérations sur saint Joseph.
W. HILTON († 1386) : L'échelle de la perfection (tr. fr., éd. du Cerf).
JULIENNE DE NORWICH, en Angleterre († 1442) : Révélation de l'amour divin.
SAINTE CATHERINE DE GENES (1447-1510) : Dialogue, Traité du Purgatoire, trad. de Bussière, Paris, Tralin.
ANONYME du XIV° : Le nuage de l'inconnaissance, trad. fr. Noettinger, Marne, 1925.


Age moderne


Dans l'âge moderne, la spiritualité prend souvent une forme plus active et elle tend à rayonner davantage en dehors des cloîtres, dans le monde; de nouvelles écoles apparaissent, pendant que les anciennes continuent à montrer la valeur toujours actuelle de l'enseignement traditionnel.

Spiritualité bénédictine et cistercienne

Louis de BLOIS (1506-1566), écrit un excellent traité : Institutio spiritualis, qui contient la substance de ses autres écrits : Œuvres spirituelles du Vén. L. de Blois, trad. par les Bénédictins de Saint-Paul de Wisques. L. de Blois écrivit une défense de Tauler, qu'il explique de façon à le rendre plus accessible.
D. A. BAKER (1575-1641) : Sancta Sophia, traité sur la contemplation.
Card. BONA, des Feuillants (1609-1674) : Manuductio ad cœlum; Principia et documenta vitae christianae; De sacrificio missae; De discretione spirituum; Opuscula ascetica selecta, Herder, 1911.
SCHRAM (1658-1720) : Institutiones theologiae mysticae, nova ed. 1868.
Dom GUERANGER (1805-1875) L'Année liturgique.
Dom DELATTE (de Solesmes) : Commentaire de la Règle de saint Benoît.
Dom VITAL LEHODEY, Abbé de la Trappe de Notre-Dame-de-Grâce : Les Voies de l'oraison mentale, 1908; Le saint Abandon, 1919.
Dom COLUMBA MARMION, Abbé de Maredsous : Le Christ vie de l'âme, Le Christ dans ses mystères, Le Christ idéal du moine.
Dom E. VANDEUR (de l'abbaye de Maredsous) : divers ouvrages spirituels sur la messe.
A. STOLZ : Theologie der Mystik, Regensburg, 1936.


Spiritualité dominicaine

SAINTE CATHERINE DE RICCI (1522-1590) : Lettere, éd. Guasti, Firenze, 1890.
Louis DE GRENADE (1504-1588) : Le Guide des pécheurs; Traité de l'oraison et de la méditation, Le Mémorial de la vie chrétienne.
Bx BARTELEMY des MARTYRS, archevêque de Bragance : Compendium doctrine spiritualis, 1582.
JEAN DE SAINT-THOMAS (1589-1644), dans son cours de théologie De donis Spiritus Sancti.
THOMAS de VALLGORNERA († 1665) : Theologia mystica S. Thomae, Barcinonae, 1662, et Taurini, 1890, 1911, où il s'inspire beaucoup de l'ouvrage du carme Philippe de la Sainte-Trinité, paru peu auparavant.
V. CONTNSON (1641-1674) : Theologia mentis et cordis.
Louis CHARDON (1585-1651) : La Croix de Jésus, nouvelle édition par le P. Florand, 1937, éd. du Cerf. - Les méditations sur la Passion.
A. MASSOULIÉ (1632-1706) : Traité de l'Amour de Dieu; Traité de la véritable oraison (éd. Rousset, 1900); Méditations sur les trois voies (éd. Florand, 1934), Massoulié, en ces ouvrages, expose la doctrine de saint Thomas en réfutant les erreurs des quiétistes.
A. PINY (1640-1709) : Le plus parfait (l'abandon); L'oraison du cœur ; La clef du pur amour; La présence de Dieu; L'état du pur amour; éditions récentes. Paris, Lethielleux, Téqui.
A.-M. MEYNARD : Traité de la vie intérieure, 1884, réédité et adapté par le P. Gerest, 1923. Paris, Lethielleux.
B. FROGET - De l'habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, Lethielleux, 1900.
H.-M. CORMIER : Instruction des novices, 1905; Retraite ecclésiastique d'après l'Évangile et la vie des saints, Rome, 1903; Trois retraites progressives.
M.-A. JANVIER : Exposition de la morale catholique, t. IV et V : La charité.
J.-G. ARINTERO : La Evolucion mistica, Salamanca, 1908 ; Cuestiones misticas, 2° éd., Salamanca, 1920; Cantar de los Cantares, exp. mistica, 1919: Le P. Arintero, de sainte mémoire, fonda en Espagne, en 1921, la revue spirituelle La Vida sobrenatural.
V. BERNADOT : De l'Eucharistie à la Trinité, 1918. L'auteur fonda en France, en 1919, la revue La Vie Spirituelle. - Notre-Dame dans ma vie, 1937.
A. GARDEIL : La structure de l'âme et l'expérience mystique, 1927, La vraie vie chrétienne, 1935.
G. GEREST : Memento de vie spirituelle, 1923.
F.-D. JORET : La contemplation mystique d'après saint Thomas d'Aquin, 1923; Recueillements, 1934,
R. GARRIGOU-LAGRANGE : Perfection chrétienne et contemplation, 1923; L'Amour de Dieu et la Croix de Jésus, 1929; Les trois conversions, 1932; L'unione mistica in S. Caterina da Siena, Fiosole, 1938; La Providence et la confiance en Dieu, 1932.
H. PETITOT : Introduction à la sainteté, 1935
OSENDE : El tesoro escondido, 1924.
H.-D. NOBLE : L'amitité avec Dieu, 1932.
F. MENENDEZ-REIGADA : De direccion espiritual, 1934.
R. BERNARD : Le mystère de Marie, 1933.
A. LEMONNYER : Notre vie divine, 1936.


Spiritualité franciscaine

FRANCOIS dOSUNA : Abecedario espiritual, 1518, qui servit de guide à sainte Thérèse.
S. PIERRE D'ALCANTARA († 1562), qui fut un des directeurs de sainte Thérèse : La oracion y méditacion.
JEAN des ANGES : Obras misticas, 1590, nouv. éd., 1912-1917.
MARIE D'AGREDA : La mystique cité de Dieu, 1670, trad. fr. par Crozet, 1696.
Louis-FR D'ARGENTAN († 1680) : Conférence sur les grandeurs de Dieu, Exercices du chrétien intérieur.
BRANCATI DE LAUREA : De oratione christiana, 1697, souvent cité par Benoît XIV.
AMBROISE DE LUMEN : Traité de la paix intérieure; 1757.
LUDOVIC DE GESSE : La science de la prière, Rome, 1903; La science du Pater, 1904.
ADOLPHUS A DENDERWINDEKE, O.M.C.: Compendium theologiae asceticae, 1921,
J. HEERINCKX : Introductio in Theologiam spiritualem. Romae, 1931.


Les spirituels de la Compagnie de Jésus

Spiritualité pratique ordonnée à la sanctification dans la vie active et apostolique.
S. IGNACE, né en 1491 ou 1495, mort en 1556 : Les Exercices spirituels, éd. crit., Madrid, 1919; versio litteralis P. Roothaan, 1835, tr. fr., Jennesseaux. - Lire aussi ses Constitutions, ses Lettres.
S. FRANCOIS XAVIER : Lettres, nouv. trad. fr., 4 vol. par Eugène Thibaut.
ALVAREZ DE PAZ (1560-1620) : De vita spirituali ejusque perfectione, 3 in-folio Lyon, 1602-1612.
SUAREZ (1548-1617) : De Religione
S. ROBERT BELLARMIN (1542-1621) : De ascensione mentis in Deum, trad. fr. : La montée de L'âme vers Dieu; De genitu columbae sive de bono lacrymarum; De septem verbis a Christo in cruce prolatis; De arte bene moriendi.
A. LE GAUDIER († 1622) : De natura et statibus perfectionis, 1643; reed. Torino, 1903.
ALPH. RODRIGUEZ († 1616) : La Pratique de la perfection chrétienne, 1609.
S. ALPH. RODRIGUEZ († 1617), frère jésuite, élevé à une haute contemplation : Obras espirituales, Barcelona, 3 vol., 1885, dont on a tiré deux opuscules traduits en français (Desclée, Lille) : De l'union et de la transformation de l'âme en Dieu; Explication des demandes du Pater.
L. DUPONT (de la Puente), († 1624) : Guide spirituel; De la perfection du chrétien en tous ses états; De la perfection du chrétien dans l'état ecclésiastique; Méditations sur les mystères de notre foi; Vie du Bx Balthazar Alvarez.
MICHEL GODINEZ (1591-1644) : Practica de la teologia mistica, nouv. éd. Lethielleux, 1920.
JACQ. NOUET († 1680) : L'homme d'oraison, 1674, excellent ouvrage.
Vén. P. DE LA COLOMBIÈRE († 1682) : Grande retraite, nouv. éd. Desclée, 1897.
F. GUILLORÉ (1615-1684) : Les Secrets de la vie spirituelle, nouv. éd, 1922.
J. GALLIFFET : De l'excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, 1733.
L. LALLEMANT († 1635) : La Doctrine spirituelle; éd. Pottier, 1936, ouvrage remarquable qui montre comment l'âme, par la pureté du cœur et la docilité au Saint-Esprit, reçoit d'ordinaire la grâce de la contemplation.
J. SURIN († 1665) : Les fondements de la vie spirituelle, La guide spirituelle, Questions sur l'Amour de Dieu, éd. Pottier, 1930.
V. HUBY († 1693) : Écrits spirituels, éd. Bainvel, 1931.
P. DE CAUSSADE († 1751) : L'Abandon à la Providence, livre admirable. réédité par le P. Ramière, en 1875 (voir. aussi édition abrégée); Instructions spirituelles sur les divers états d'oraison, 1852, rééd. H. Bremond, Bossuet maître d'oraison, Paris, 1931.
SCARAMELLI (1687-1752) : Direttorio ascetico; Direltorio mistico. Scaramelli tend à montrer que l'ascétique n'est pas de soi ordonnée à la mystique, et que l'oraison acquise ne dispose pas normalement à recevoir la contemplation infuse.
J. N. GROU (1731-1803) : Maximes spirituelles; Méditations en forme de retraite sur l'amour de Dieu; Manuel des âmes intérieures, rééd. Paris, 1907-1913, la doctrine du P. Grou reproduit et développe celle du P. Lallemant.
J.-B. TERRIEN : La grâce et da gloire, 1901, La mère de Dieu et la mère des hommes, 1900.
R. DE MAUMIGNY : Pratique de l'oraison mentale, 8° éd., 1911.
A. POULAIN : Des Grâces d'oraison, traité de mystique du point de vue de la méthode descriptive, dern. éd. avec notes du P. Bainvel, 1922.
A. EYMIEU : Le gouvernement de soi-même, 1911-1921.
J.-V. BAINVEL : La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, 4° éd., 1917. Le saint Cœur de Marie, vie intime de la Sainte Vierge, 1918
R. PLUS : Dieu en nous; Vivre avec Dieu; Dans le Christ Jésus, 1923
P. CHARLES : La prière de toutes les heures.
P. L. PEETERS : Vers l'union divine par les exercices de saint Ignace, 2° éd., 1931.
J. DE GUIBERT : Études de théologie mystique, 1930; Theologia spiritualis ascetica et mystica, 1937. Sous la direction de l'auteur parait depuis 1920 la Revue d'Ascétique et de Mystique, et depuis 1932 sous la direction du P. M. Viller, S. J., Le Dictionnaire de spiritualité.
J. MARÉCHAL : Études sur la psychologie des mystiques, Bruxelles-Paris, I, 1924; II, 1937.
PAUL de JAEGHER : Anthologie mystique, Desclée de Brouwer, 1933.
J. de GHELLINCK : Lectures spirituelles d'après les écrits des Pères, Desclée de Brouwer, 1931.
R. DE SINÉTY : Psychopathologie et direction, Paris, Beauchesne, 1934


Spiritualité du Carmel

Dont le centre est la vie d'oraison, l'union à Dieu par le complet détachement, avec l'apostolat caché par la prière.
Ste THÉRÈSE : (1515-1582) : Obras de Santa Teresa, editas y anotadas por el P. Silverio de S. Teresa, 6 vol. Burgos, 1915-1920; petite édition des principales œuvres en 1 vol., 1922; trad. française par les Carmélites de Paris, 6 vol. Paris, ou plus récemment celle du P. Grégoire de St-Joseph, Lettres traduites par le même, 3 vol., 2° éd., 1906.
S JEAN DE LA CROIX (1543-1591) : Obras de San Juan de la Cruz ed. del P. Silverio, 5 vol., 1929-1931; trad. fr. Hoornaert. 2° éd. 1923, et celle plus récente du P. Grégoire de St-Joseph. - Le Cantique spirituel (texte critique, notes historiques, version française) par Dom Chevallier, O. S. B., 1930. - Du même la trad. fr. du texte espagnol, sans appareil technique, 1933. - Les avis et maximes de S. Jean de la Croix, trad. de Dom Chevallier, 1933.
JEAN DE JÉSUS MARIE (1564-1615) : Theologia mystica, rééditéé en 1911 chez Herder, Instructio novitiorum, trad. fr., Malines, 1883; De virorum ecclesiasticorum perfectione
THOMAS DE JÉSUS (1568-1627) : De contemplatione divina libri VI, Cologne, 1684.
NICOLAS DE JÉSUS-MARIE : Phrasium mysticae Theologiae ven. P. Joannis a Cruce elucidatio, trad. fr. dans Études carmélitaines, 1911-1914.
PHILIPPE DE LA SAINTE-TRINITÉ († 1671) : Somma theologiae mysticae, 3 vol. in-8°, nouv. éd. Bruxelles, 1874. Thomas Vallgornera, O. P., reproduit presque intégralement la doctrine de cet ouvrage dans sa Theologia mystica S. Thomae.
ANTOINE DU SAINT-ESPRIT : Directorium mysticum, 1677, résumé de l'ouvrage de Philippe de la Sainte-Trinité.
JOSEPH DU SAINT-ESPRIT : Cursus theologiae mystico-scholasticae, Séville, 1710-1740, nouvelle édition chez Beyaert, Bruges, 1924 ss.
Ste THÉRÈSE DE L'ENFANT-JÉSUS (1873-1897) : Histoire d'une âme, Lettres.
P. THÉODORE DE SAINT-JOSEPH : Essai sur l'oraison selon l'École carmélitaine, Bruges, 1923.
P. BRUNO DE J.-M. : Saint Jean de la Croix, vie, Paris, Plon, 1929; Vie d'amour de saint Jean de la Croix, Paris, Desclée de Brouwer, 1834; Madame Acarie, Paris, Desclée de Brouwer, 1936.
P. GABRIEL DE SAINTE-MADELEINE : La Mistica Teresiana, Fiesole, 1934; S. Giovanni della Croce, Firenze, 1936; Santa Teresa di Gesù, Maestro, di vita spirituale, Milano, 1835; Dict. de Spiritualité, art. Carmes : École mystique thérésienne.
Depuis 1911, Les Études carmélitaines publient des travaux intéressants de théologie mystique et de psychologie religieuse pour mieux faire comprendre la doctrine de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Voir notamment les articles du P. Louis de la Trinité, du P. Bruno et ceux du P. Gabriel de Sainte-Madeleine; voir aussi ceux de M. J. Maritain, sur saint Jean de la Croix, articles reproduits dans son beau livre Les degrés du savoir.

Dans la famille des Carmes de l'antique observance :
JEAN DE SAINT-SAMSON († 1636) : convers élevé à une haute contemplation, (Œuvres spirituelles, 2 vol., 1658; cf. La Vie Spirituelle, 1925-1926.
Ste MADELEINE DE PAZZI (1566-1607) : Estasi e lettere scelte, éd, crit. Vaussard, Firenze, 1924.


École salésienne

S. FRANÇOIS DE SALES (1567-1622) : Œuvres publiées par la Visitation d'Annecy, 1892. S. François de Sales montre que l'union à Dieu est accessible dans tous les états de vie. L'introduction à la vie dévote (1608) décrit la voie purgative et le début de la voie illuminative. Le Traité de L'Amour de Dieu (1616) parle surtout de la voie unitive. Les Entretiens spirituels, écrits pour les Visitandines. font du bien à toutes les âmes religieuses. Lettres.
Ste JEANNE DE CHANTAL : Sa vie et ses œuvres, Paris, Plon, 1877-1893.
Mère DE CHAUGY : Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne de Chantal, Paris, Plon, 1893.
Ste MARIE MARIE : Œuvres, publiées par Mgr Gauthey, Poussielgue.
P. TISSOT : L'art d'utiliser ses fautes, d'après S. Fr. de Sales, 3e éd., 1918. La Vie intérieure simplifiée (ouvrage, écrit par un Chartreux).


École française du XVIIe siècle

La spiritualité de cette école, dont le fondateur est le cardinal de Bérulle, dérive du dogme de l'incarnation et de notre incorporation au Christ, avec qui nous glorifions Dieu vivant en nous, par l'abnégation et les vertus.
Card. DE BÉRULLE (1575-1629), fondateur de l'Oratoire de France : Œuvres complètes, éd. 1657, éd. 1856; son œuvre principale est le Discours de l'Estat et des Grandeurs de Jésus.
CH. DE CONDREN (1588-1641) : Œuvres complètes, Ire éd. 1668, 2e 1857. Lire surtout L'idée du sacerdoce et du sacrifice, sur le sacerdoce de Jésus-Christ et ses saints anéantissements.
F. BOURGOIN (1585-1662) : Vérités et excellences de Jésus-Christ, 32e éd. 1892.
S. VINCENT DE PAUL (1576-1660) : Correspondance, Entretiens, Documents, éd. publiée et annotée par P. Coste, 1920. Lire MAYNARD, Vertus et doctrine spirituelle de saint Vincent de Paul, Paris, 1882.
J.-J. OLIER (1608-1657) : fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice : Le catéchisme chrétien pour la vie intérieure, où il montre comment par la pratique de la mortification et de l'humilité on arrive à l'union intime avec Jésus. L'introduction à la vie et aux vértus chrétiennes; La journée chrétienne; Le Traité des saints Ordres, sur l'union à Notre-Seigneur, prêtre et victime.
L. TRONSON : (1622-1700) : Forma cleri, Examens particuliers.
I.-A. EMERY (1732-1811) : L'Esprit de Ste Thérèse, 1775
A. J.-M. HAMON (1795-1874) : Méditations à l'usage du clergé, 1872.
H.-J. ICARD (1805-1893) : Vie intérieure de la T. Ste Vierge, extrait des écrits de M. Olier, 1875 et 1880. Doctrine de M. Olier, 1888 et 1891.
M.-J. RIBET : La Mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, 1879.
CH. SAUVÉ : Dieu intime, Jésus intime.
S. JEAN EUDES (1601-1680), disciple de Bérulle et de Condren. Œuvres rééditées en 12 vol., 1905 : La vie et le royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes. Le Cœur admirable de la Mère de Dieu. Le Mémorial de la vie ecclésiastique.
P. LE DORÉ : Le dévotion au Sacré-Cœur et le V. Jean Eudes, 1892.
E. GEORGES : Saint Jean Eudes, sa vie et sa doctrine, Lethielleux, 1936
P.-E. LAMBALLE : La Contemplation ou Principes de théologie mystique, 1912.
Bx L. GRIGNION DE MONTFORT (1673-1716) : Traité de la vraie dévotion à la Ste Vierge, Le Secret de Marie, Lettre aux amis de la croix.
S. JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE (1651-1719), fondateur des Frères de la doctrine chrétienne : Méditations pour les dimanches et fêtes; Méditations pour le temps de la retraite.
Le Vén. P. LIBERMANN (1803-1852) : Écrits sur l'oraison et Lettres.
Le Vén. BOUDON (arch. d'Évreux, 1624-1702) : Le Règne de Dieu en l'oraison mentale; Les saintes voies de la Croix, Téqui, 1926.
Mgr GAY (1816-1892) : De la vie et des vertus chrétiennes.


École ligorienne

S. ALPHONSE DE LIGUORI (1686-1787) : Les maximes éternelles; La voie du salut; Pratique de l'amour envers Jésus-Christ; Les gloires de Marie; Réflexions sur la Passion; Le grand moyen de la prière; La véritable épouse du Christ; Selva sur la perfection sacerdotale; Du sacrifice de Jésus-Christ. Voir la nouvelle édition de ses œuvres ascétiques en cours de publication à Rome.
P. DESURMONT : La Charité sacerdotale; Le Credo et la Providence; La vie vraiment chrétienne.
JOS. SCHRYVERS : Les Principes de la vie spirituelle, 1922; Le don de soi, 1823.
F. BOUCHAGE : Pratique des vertus; Introduction à la vie sacerdotale, 1916.
KARL KEUSCH : Die Aszetik des Hl. Alfons Maria von Liguori, Paderborn, 1926.


Congrégation des Passionistes

S. PAUL DE LA CROIX (1694-1775) : Lettere, éd. P. Amedeo, 4 vol., Roma, 1924; cf. Florilegio spirituale, 2 vol. 1914-1916. - Sa Vie, par Bx V. Strambi, 1786; cf. Oraison et ascension mystique de saint Paul de la Croix, par le P. Gaëtan du Saint-Nom de Marie, Louvain, 1930.
B. VINCENT STRAMBI, disciple du saint (1745-1824) : Dei Tesoriche abbiamo in Gesu Cristo.
P. SERAPHINUS († 1879) : Principes de théologie mystique, 1873.
A. DEVINE : A manual of ascetical theology, 1902; A manual of mystical theology, 1903, tr. fr., Aubanel, Avignon.


En dehors de ces Écoles

L. SCUPOLI (1530-1610) : Le Combat spirituel, estimé par saint François de Sales.
Vén. Mère MARTE DE L'INCARNATION (1599-1672), ursuline, dont la vie a été écrite par son fils, Dom Claude Martin (extraite de ses écrits), 1677. Lettres, 1681. Nouvelle édition critique par Dom Jamet, t. I-II, Écrits spirituels, 1929; t. III, Correspondance, 1935. Du même : Le témoignage de Marie de l'Incarnation, 1932 (extrait du précédent ouvrage).
BOSSUET (1627-1704) : Élévations sur les Mystères, Méditations sur l'Évangile; Traité de la concupiscence; Instruction sur les états d'oraison, second traité, Principes communs de l'oraison chrétienne, œuvre inédite publiée par E. Lévesque, Didot, 1887; Lettres de direction. Opuscules sur l'Abandon et l'oraison de simplicité, réunis dans la Doctrine spirituelle de Bossuet, extraite de ses œuvres, Téqui, 1908.
FÉNÉLON (1651-1715) : Opuscules de piété réunis dans le t. XVIII de ses œuvres, éd. Lebel, 1823; Lettres de direction publiées par M. Cagnac, 1902.
BENOÎT XIV (P. Lambertini) (1675-1758) : De servorum Dei beatifcatione et beatorum canonizatione, 1788 ; sur les questions d'ascétique et de mystique, cet ouvrage reproduit souvent celui de Brancati de Laurea, De oratione christiana, 1687.
J.-H. NEWMANN (1801-1890) : Meditations and devotions, trad. en français. Difficulties of Anglicans.
H.-E. MANNING (1808-1892) : The Eternal Priesthood, tract. en français: Le sacerdoce éternel.
F.-W, FABER (1814-1863), ses principaux ouvrages sont traduits en français (Paris, Téqui) : Tout pour Jésus ; Beethléem; Le Saint-Sacrement; Le Précieux Sang; Le Pied de la Croix; Créateur et créature; Le Progrès de l'âme.
J. Card. GIBBONS : The Ambassador of Christ, 1886, trad. en français.
L. BEAUDENOM (1840-1916) : Pratique progressive de la confession et de la direction; Formation à l'humilité.
A. SAUDREAU : Les degrés de la vie spirituelle, 6° éd., 1935; La vie d'union à Dieu; 3° éd., 1921; L'état mystique, sa nature, ses phases et les faits extraordinaires de la vie spirituelle, 2° éd., 1921.
Mgr LEJEUNE : Manuel de théologie mystique, 1897.
Card. MERCIER : La vie intérieure, appel aux âmes sacerdotales. 1919.
Vén. A. CHEVRIER : Le prêtre, selon l'Évangile, Lyon (Vitte), 1922.
Mgr A. FARGES : Les phénomènes mystiques distingués de leurs contrefaçons humaines et diaboliques, 1920.
ROEERT DE LANGEAC : Conseils aux âmes d'oraison (excellent), Lethielleux, 1929.
AD. TANQUEREY : Précis de théologie ascétique et mystique, 6° éd., 1928. Ouvrage très bon à certains égards, mais qui place bien tard la purification passive des sens, après l'entrée dans la voie unitive, alors que pour saint Jean de la Croix elle marque l'entrée dans la voie illuminative.
CHARLES DE FOUCAULD, ermite au Sahara ; Écrits spirituels, Paris, 1927.





INTRODUCTION

I. L'unique nécessaire. - II. La question de l'unique nécessaire à notre époque. - III. But de cet ouvrage. - IV. L'objet de la théologie ascétique et mystique. - V. La méthode de la théologie ascétique et mystique. - VI. Comment concevoir la distinction de l'ascétique et de la mystique. - VII Division de cet ouvrage.

Nous nous sommes proposé ici de faire la synthèse de deux autres ouvrages : Perfection chrétienne et contemplation, L'amour de Dieu et la Croix de Jésus, où nous avons étudié, à la lumière des principes de saint Thomas, les principaux problèmes de la vie spirituelle, en particulier celui qui s'est posé d'une façon plus explicite ces dernières années : La contemplation infuse des mystères de la foi et l'union à Dieu qui en résulte est-elle une grâce en soi extraordinaire, ou se trouve-t-elle, au contraire, dans la voie normale de la sainteté ?
Ici nous voudrions reprendre ces questions d'une façon à fois plus simple et plus haute ; avec là perspective voulue pour mieux voir la subordination de toutes les choses de la vie intérieure par rapport à l'union à Dieu.
Dans ce but, nous considérerons d'abord les fondements de la vie intérieure, - puis l'éloignement des obstacles, - le progrès de l'âme purifiée et éclairée par la lumière du Saint-Esprit, la docilité qu'elle doit avoir vis-à-vis de Lui, - et finalement l'union à Dieu à laquelle conduisent cette docilité, l'esprit de prière et le croix portée avec patience, reconnaissance et avec amour.
Par manière d'introduction, rappelons brièvement ce qu'est l'unique nécessaire pour tout chrétien, et, comment cette question se pose d'une façon pressante à l'heure actuelle.



I. L'unique nécessaire

La vie intérieure, tout le monde peut aisément le concevoir, est une forme élevée de la conversation intime que chacun a avec soi-même, dès qu'il se retrouve seul, fût-ce dans le tumulte des rues d'une grande ville. Dès qu'il cesse de converser avec ses semblables ; l'homme converse intérieurement avec lui-même de ce qui le préoccupe le plus. Cette conversation varie beaucoup selon les divers âges de la vie, celle du vieillard n'est pas celle du jeune homme; elle varie beaucoup aussi suivant que l'homme est bon ou mauvais.
Dès qu'il cherche sérieusement la vérité et le bien, cette conversation intime avec lui-même tend à devenir la conversation avec Dieu, et peu à peu, au lieu de se rechercher soi-même en tout, au lieu de tendre de façon plus ou moins consciente à se faire centre, l'homme tend à rechercher Dieu en tout, et à substituer à l'égoïsme l'amour de Dieu et des âmes en Lui. C'est là la vie intérieure ; nul homme sincère ne fera de difficulté pour le reconnaître.
L'unique nécessaire dont parlait Jésus[5] à Marthe et à Marie consiste à écouter la parole de Dieu et à en vivre.
La vie intérieure ainsi conçue est en nous quelque chose de beaucoup plus profond et de plus nécessaire que la vie intellectuelle ou culture des sciences, que la vie artistique et littéraire, que la vie sociale ou politique. On trouve, hélas ! de grands savants, mathématiciens, physiciens, astronomes, qui n'ont pour ainsi dire aucune vie intérieure, qui se livrent à l'étude de leur science comme si Dieu n'existait pas ; ils n'ont, à leurs moments de solitude, aucune conversation intime avec Lui. Leur vie paraît être à certains égards la recherche du vrai et du bien dans un certain domaine plus ou moins restreint, mais elle est si entachée d'amour-propre et d'orgueil intellectuel, qu'on se demande si elle portera des fruits pour l'éternité. Bien des artistes, des littérateurs, et beaucoup d'hommes politiques ne dépassent guère ce niveau d'une activité purement humaine, somme toute très extérieure. Le fond de leur âme vit-il d'un bien supérieur à eux-mêmes, vit-il de Dieu ? Il ne le semble pas.
Cela montre que la vie intérieure, ou vie de l'âme avec Dieu, mérite bien d'être appelée l'unique nécessaire, puisque c'est par elle que nous tendons vers notre fin dernière, et qu'est assuré notre salut, qu'il ne faut pas trop séparer de la sanctification progressive, car celle ci est la voie même du salut.
Plusieurs semblent penser : il suffit après tout que je sois sauvé; il n'est pas nécessaire d'être un saint. Il n'est pas nécessaire d'être un saint qui fait des miracles et dont la sainteté est officiellement reconnue par l'Église, c'est bien évident ; mais, pour être sauvé, il faut prendre le chemin du salut, et celui-ci est en même temps celui de la sainteté : Il n'y aura au ciel que des saints, soit qu'ils y soient entrés immédiatement après la mort, soit qu'ils aient eu besoin d'être purifiés au purgatoire. Nul n'entre au ciel, s'il n'a cette sainteté qui consiste à être pur de toute faute ; toute faute même vénielle doit être effacée, et la peine due an péché doit être supportée ou remise, pour qu'une âme jouisse à jamais de la vision de Dieu, le voir comme il se voit et l'aimer comme il s'aime. Si, quelque âme entrait au ciel avant la rémission totale de ses fautes, elle ne pourrait pas y rester, et elle-même se précipiterait au purgatoire pour être purifiée.
La vie intérieure du juste qui tend vers Dieu, et qui déjà vit de Lui, est bien l'unique nécessaire; pour être un saint, il n'est évidemment pas indispensable d'avoir reçu une culture intellectuelle, ou d'avoir une grande activité extérieure; il suffit de vivre profondément de Dieu. C'est ce que nous voyons chez les saints de l'Église primitive, dont plusieurs étaient de pauvres gens, même des esclaves; c'est ce que nous voyons chez un saint François, chez un saint Benoît-Joseph Labre, chez un Curé d'Ars et tant d'autres.
Tous ont profondément compris cette parole du Sauveur : " Que sert de gagner l'univers si l'on vient à perdre son âme ? " (Matth., XVI, 26). Si l'on sacrifie tant de choses pour, sauver la vie de son corps; qui finalement doit mourir, que ne devrait-on pas sacrifier pour sauver la vie de son âme, qui doit durer éternellement ? L'homme ne doit-il pas aimer son âme plus que son corps ? " Que donnera un homme en échange de son âme? ", ajoute le Sauveur (ibid). - Unum est necessarium, dit encore Jésus (Luc., X, 42) : Une seule chose est nécessaire, écouter la parole de Dieu et en vivre pour sauver son âme. C'est là la meilleure part, qui ne saurait être enlevée à l'âme fidèle, alors même qu'elle perdrait tout le reste.



II. La question de l'unique nécessaire à notre époque

Ce que nous venons de dire est vrai de tous les temps, mais la question de la vie intérieure se pose aujourd'hui d'une façon plus aiguë qu'à plusieurs autres époques moins troublées que la nôtre.
Cela vient de ce que bien des hommes se sont séparés de Dieu et ont essayé d'organiser la vie intellectuelle et la vie sociale sans lui. Alors les grands problèmes, qui ont toujours préoccupé l'humanité, ont pris un aspect nouveau, et parfois tragique. Vouloir se passer de Dieu, cause première et fin dernière, conduit aux abîmes ; non seulement cela conduit au néant, mais à la misère physique et morale pire que le néant. Alors les grands problèmes s'aggravent jusqu'à l'exaspération, et l'on doit finir par s'apercevoir que tous doivent aboutir finalement à reposer le problème religieux, et à le reposer à fond ; il faudra finalement se prononcer tout à fait pour Dieu ou contre lui, et c'est là le problème de la vie intérieure dans ce qu'il a de plus essentiel. " Qui non est mecum, contra me est ", dit le Sauveur (Matth., XII, 30).
C'est ainsi que les grandes tendances modernes, scientifiques et sociales, au milieu des conflits qui s'élèvent entre elles, et malgré l'opposition des desseins de ceux qui les représentent, convergent, qu'on le veuille ou non, vers la question fondamentale des rapports intimes de l'homme avec Dieu.
On arrive à cela, après beaucoup de déviations. Lorsque l'homme ne veut plus accomplir ses grands devoirs religieux envers celui qui l'a créé et qui est sa fin dernière, comme il ne peut absolument se passer de religion, il se fait une religion à lui ; il met par exemple sa religion dans la science, ou dans le culte de la justice sociale, dans quelque idéal humain, qu'il finit par considérer d'une façon religieuse et même mystique, pour remplacer l'idéal supérieur qu'il a abandonné. Il se détourne ainsi de la Réalité suprême, et il se pose une foule de problèmes, qui, bon gré mal gré, ne recevront de solution que si l'on revient au problème fondamental des rapports intimes de l'âme avec Dieu.
On l'a plusieurs fois remarqué, de nos jours la science prétend être une religion; en même temps le socialisme et le communisme veulent être une morale scientifique, et se présentent comme un culte fiévreux de la justice. Par là ils s'efforcent de captiver les esprits et les cœurs.
C'est un fait, à l'heure actuelle, le savant moderne parait avoir un culte scrupuleux de la méthode scientifique, au point qu'il semble souvent préférer la méthode de recherche à la vérité; et s'il apportait un soin aussi sérieux à sa vie intérieure, il arriverait assez vite à la sainteté. Mais souvent cette religion de la science est ordonnée plutôt à l'apothéose de l'homme qu'à l'amour de Dieu. Il faut en dire autant de l'activité sociale, en particulier sous la forme qu'elle revêt dans le socialisme et le communisme; elle s'inspire d'une mystique qui veut tendre vers une transfiguration de l'homme, en niant parfois de la façon la plus absolue les droits de Dieu.
Cela revient à dire qu'au fond de tout grand problème se retrouve le problème religieux des rapports de l'homme avec Dieu. Il faut se prononcer pour ou contre, il n'est plus possible d'être indifférent. Notre époque le montre d'une façon saisissante. La crise économique mondiale de l'heure actuelle fait voir ce que les hommes peuvent faire par eux-mêmes lorsqu'ils veulent se passer de Dieu.
Lorsqu'ils veulent se passer de Dieu, le sérieux de la vie se déplace. Si la religion n'est plus chose sérieuse et grave, mais chose dont on peut sourire, alors il faut chercher le sérieux ailleurs. On, le met ou on prétend le mettre dans la science, ou dans l'activité sociale; on veut travailler religieusement à la recherche de la vérité scientifique; ou à l'établissement de la justice parmi les classes et les peuples. Et au bout de quelque temps on est obligé de s'apercevoir qu'on aboutit à un immense désarroi, et que les rapports entre les individus et les peuples deviennent de plus en plus difficiles, sinon impossibles. Il est clair, comme l'ont dit saint Augustin et saint Thomas[6], que les mêmes biens matériels, à l'opposé de ceux de l'esprit, ne peuvent en même temps appartenir intégralement à plusieurs. La même maison, la même terre, ne peuvent simultanément appartenir en totalité à plusieurs hommes, ni le même territoire à plusieurs peuples. D'où le conflit terrible des intérêts, lorsqu'on, met fiévreusement sa fin dernière en ces biens inférieurs.
Au contraire, saint Augustin se plaît à y insister, les mêmes biens spirituels peuvent appartenir simultanément et intégralement à tous et à chacun. Sans que celui-ci nuise à l'autre, nous pouvons posséder pleinement la même vérité, la même vertu, le même Dieu. C'est pourquoi Notre-Seigneur nous dit : Cherchez le royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroit (Matth., VI, 33).
Ne pas écouter cette leçon, c'est travailler à la ruine.
Ainsi se vérifie encore une fois la parole du Psaume CXXVI, 1 : " Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum laboraverunt qui aedificant eam; nisi Dominus custodierit civitatem, frustra vigilat qui cuslodit eam - si Dieu ne bâtit pas la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent; si Dieu ne garde pas la cité, en vain la sentinelle veille à ses portes ".
Si le sérieux de la vie se déplace, s'il ne porte plus sur nos devoirs envers Dieu, mais sur l'activité scientifique ou sociale de l'homme; si l'homme se recherche constamment lui-même, au lieu de chercher Dieu, sa fin dernière, alors les faits ne tardent pas à lui montrer qu'il s'engage dans une voie, impossible qui conduit non pas seulement au néant, mais au désordre insupportable et à la misère. Il faut en revenir à cette parole du Sauveur : Celui qui n'est pas avec moi est contre moi; et qui n'amasse pas avec moi disperse (Matth., XII, 20). Les faits le confirment.


Il suit de là que la religion ne peut donner une réponse efficace, vraiment réaliste, aux grands problèmes actuels que si elle est une religion profondément vécue; non pas seulement une religion de surface, et à bon marché, qui consisterait en quelques prières vocales, et en quelques cérémonies où l'art religieux aurait plus de place que la vraie piété. Or il n'y a pas de religion profondément vécue sans vie intérieure, sans celle conversation intime et fréquente de chacun de nous, non seulement avec soi-même, mais avec Dieu.
C'est ce que nous disent les dernières Encycliques de sa S. S. Pie XI. Pour répondre aux aspirations générales des peuples, en ce qu'elles ont de bon, aspirations à la justice et à la charité entre les individus, les classes et les peuples, le Pasteur suprême a écrit les encycliques sur le Christ-Roi, sur son influence sanctificatrice dans tout son corps mystique, sur la famille, sur la sainteté du mariage chrétien, sur les questions sociales, sur la nécessité de la réparation, sur les missions. En toutes ces encycliques il est question du règne du Christ sur toute l'humanité. Il suit clairement de tout cela que pour garder la prééminence qu'elle doit avoir sur l'activité scientifique et sur l'activité sociale, la religion, la vie intérieure, doit être profonde, doit être une vraie vie d'union à Dieu. C'est une nécessité manifeste.



III. But de cet ouvrage

Comment traiterons-nous ici de la vie intérieure ? Nous ne reprendrons pas d'une façon technique bien des questions longuement exposées par les théologiens sur la grâce sanctifiante et les vertus infuses. Nous les supposons ici, et nous n'y reviendrons que dans la mesure où il est nécessaire pour l'intelligence de ce que doit être la vie spirituelle.
Nous avons pour but d'inviter les âmes à devenir plus intérieures et à tendre à l'union à Dieu. Pour cela, deux écueils très différents sont à éviter.
Assez souvent, l'esprit qui anime la recherche scientifique, même en ces matières, s'attarde à des détails au point de détourner la pensée de la contemplation des choses divines. La plupart des âmes intérieures n'ont pas besoin de bien des recherches indispensables au théologien; pour les entendre, il leur faudrait une initiation philosophique qu'elles n'ont pas, et qui, en un sens, les embarrasserait, parce que, d'emblée et d'une autre manière, elle vont plus haut, comme saint François d'Assise, qui s'étonnait de voir que, dans les cours de philosophie faits à ses religieux, on s'occupait encore de démontrer l'existence de Dieu. Aujourd'hui la spécialisation parfois exagérée des études fait que beaucoup d'intelligences manquent des vues générales nécessaires pour juger sagement des choses, même de celles dont elles s'occupent spécialement et dont elles ne voient plus le rapport avec le reste. Le culte du détail ne doit pas faire perdre de vue l'ensemble. Au lieu de se spiritualiser, on se matérialiserait, et, sous prétexte de science exacte et minutieuse, on se détournerait de la vraie vie intérieure et de la haute sagesse chrétienne.
D'autre part, bien des ouvrages de vulgarisation en matière religieuse et bien des livres de piété manquent d'un solide fondement doctrinal. La vulgarisation, à cause du genre de simplification un peu matérielle qui s'impose à elle, fuit souvent l'examen de certains problèmes fondamentaux et difficiles, d'où pourtant jaillirait la lumière, et parfois la lumière de vie.
Pour éviter ces deux écueils opposés, nous suivrons la voie indiquée par saint Thomas, qui ne fut pas un vulgarisateur, mais qui reste le grand classique de la théologie. Il s'éleva de la complexité savante de ses premiers ouvrages, et des Questions disputées à la simplicité supérieure des plus beaux articles de la Somme Théologique. Il s'y éleva même si bien qu'au terme de son existence, absorbé dans une contemplation. éminente, il ne put pas dicter la fin de la Somme, parce qu'il ne pouvait plus descendre à la complexité des questions et des articles qu'il voulait encore composer.
L'attardement au détail et la simplification superficielle éloignent de façon différente de la contemplation chrétienne, qui s'élève au-dessus de ces déviations opposées, comme un sommet celui vers lequel tendent toutes les âmes de prière.



IV. L'objet de la théologie ascétique et mystique

On voit, par les matières qu'elle doit traiter, que la théologie ascétique et mystique est une branche ou une partie de la Théologie, une application de la théologie à la conduite des âmes. Elle doit donc procéder sous la lumière de la Révélation, qui seule permet de connaître ce qu'est la vie de la grâce et l'union surnaturelle de l'âme avec Dieu.
Cette partie de la théologie est surtout un développement du traité de l'amour de Dieu et de celui des dons du Saint-Esprit, pour en montrer les applications, ou pour conduire les âmes à l'union divine[7]. De même la casuistique est, dans un domaine moins élevé, une application de la théologie morale pour discerner pratiquement ce qui est obligatoire sous peine de péché mortel ou véniel. La théologie morale ne doit pas seulement traiter des péchés à éviter, mais des vertus à pratiquer, et de la docilité à suivre les inspirations du Saint-Esprit ; à ce point de vue, ses applications s'appellent l'ascétique et la mystique.
L'ascétique traite surtout de la mortification des vices ou défauts et de la pratique des vertus. La mystique traite principalement de la docilité au Saint-Esprit, de la contemplation infuse des mystères de la foi, de l'union à Dieu qui en procède, et aussi des grâces extraordinaires, comme les visions et révélations qui accompagnent parfois la contemplation infuse[8].
Quant à la question de savoir si l'ascétique est essentiellement ordonnée à la mystique, nous l'examinerons en nous demandant si la contemplation infuse des mystères de la foi et l'union à Dieu qui en résulte est une grâce de soi extraordinaire, comme les visions et révélations, ou si elle n'est pas plutôt chez les parfaits l'exercice éminent, mais normal, des dons du Saint-Esprit qui sont en tous les justes. La réponse à cette question plusieurs fois discutée de nos jours sera la conclusion de cet ouvrage.


V. La méthode de la théologie ascétique et mystique

Sur la méthode à suivre, nous nous bornerons ici à l'essentiel[9]. Il importe d'éviter deux déviations contraires, faciles à saisir ; l'une proviendrait de l'usage presque exclusif de la méthode descriptive ou inductive l'autre résulterait d'un excès opposé.
L'usage presque exclusif de la méthode descriptive ou inductive conduirait à oublier que la théologie ascétique et mystique est une branche de la théologie, et finalement on la considérerait comme une partie de la psychologie expérimentale. On ne réunirait ainsi que les matériaux de la théologie mystique. Ce serait tout appauvrir et tout diminuer, en perdant la lumière directrice. C'est par les grands principes de la théologie sur la vie de la grâce, des vertus infuses et des sept dons, qu'il faut traiter la mystique ; alors tout s'illumine et l'on est devant une science, non devant une collection de phénomènes plus ou moins bien décrits..
De plus, si l'on usait presque exclusivement de la méthode descriptive, on serait surtout frappé par les signes plus on moins sensibles des états mystiques et non par la loi foncière du progrès de la grâce dont la surnaturalité essentielle est d'ordre trop élevé pour tomber sous les prises de l'observation. Dès lors, on pourrait donner plus d'attention à certaines grâces extraordinaires et en quelque sorte extérieures comme les visions, les révélations, les stigmates, etc., qu'au développement normal et élevé de la grâce sanctifiante, des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit.
Par là on pourrait être conduit à confondre avec ce qui est extraordinaire de soi ce qui ne l'est que de fait, c'est-à-dire ce qui est éminent, mais normal, à confondre l'union intime avec Dieu en ses formes élevées avec les grâces extraordinaires et relativement inférieures qui parfois l'accompagnent.
Enfin l'usage exclusif de la méthode descriptive pourrait donner trop d'importance à ce fait facilement constatable que l'union intime avec Dieu et la contemplation infuse des mystères de la foi sont relativement rares. Ce qui pourrait conduire, à penser que toutes les âmes intérieures et généreuses n'y sont pas appelées, même d'un appel général et éloigné[10]. Ne serait-ce pas oublier la parole de Notre-Seigneur souvent rappelée ici par les mystiques : " Il y a beaucoup d'appelés, peu d'élus. "
D'autre part, il faut se garder d'une autre déviation qui proviendrait de l'usage presque exclusif de la méthode théologique déductive.
Certains esprits un peu simplistes seraient portés à déduire la solution des problèmes les plus difficiles de la spiritualité en partant de la doctrine reçue en théologie sur les vertus infuses et les dons, telle qu'elle est exposée par saint Thomas, sans considérer suffisamment les admirables descriptions données par sainte Thérèse, saint Jean de la Croix, saint François de Sales et autres grands saints, des divers degrés de la vie spirituelle, notamment de l'union mystique.
Or c'est à ces faits qu'il faut ici appliquer les principes; ou mieux ce sont ces faits d'abord bien connus en eux-mêmes qu'il faut éclairer à lumière des principes, surtout pour discerner ce qui en eux peut être vraiment extraordinaire et ce qui est éminent, mais normal.
L'usage excessif de la méthode déductive pourrait ici conduire à une confusion, radicalement opposée à celle signalée plus haut. Comme, selon la Tradition et selon saint Thomas, les sept dons du Saint-Esprit sont en toute âme en état de grâce, on serait peut-être ainsi incliné à croire que l'état mystique ou la contemplation infuse sont très fréquents, et l'on pourrait confondre avec eux ce qui n'en est que le prélude, comme l'oraison affective simplifiée[11]. On serait ainsi porté à ne pas assez tenir compte des phénomènes concomitants de certains degrés de l'union mystique, comme la ligature et l'extase, et on tomberait dans l'extrême opposé à celui des partisans de la seule méthode descriptive.
Pratiquement, comme suite de ces deux excès il y a aussi deux extrêmes à éviter dans la direction : faire quitter aux âmes la voie ascétique ou trop tôt ou trop tard. Nous en parlerons longuement au cours de cet ouvrage.
On comprend dès lors qu'il faut unir les deux méthodes inductive et déductive, analytique et synthétique.
II faut bien analyser les notions et les faits de la vie spirituelle ; d'abord analyser les motions de vie intérieure et de perfection chrétienne, de sainteté, que nous donne l'Évangile pour bien voir le but proposé par le Sauveur lui-même à toutes les âmes intérieures, et pour le voir dans toute son élévation, sans rien diminuer.
Il faut ensuite analyser les faits : imperfection des commençants, purification active et passive, les divers degrés de l'union, etc., pour distinguer ce qui en eux est essentiel et ce qui est accessoire.
Après ce travail d'analyse, il faut faire la synthèse et montrer ce qui est nécessaire ou très utile et désirable pour parvenir à la pleine perfection de la vie chrétienne, et ce qui, par contre, est proprement extraordinaire et nullement requis pour la plus haute sainteté[12].
Parmi ces questions, plusieurs sont très difficiles, soit à cause de l'élévation de l'objet traité, soit à cause des contingences qui se rencontrent dans l'application et qui dépendent ou bien du tempérament des personnes à diriger, ou bien du bon plaisir de Dieu, qui par exemple accorde parfois la grâce de la contemplation à des commençants et la retire momentanément à des âmes avancées. A cause de ces multiples difficultés, l'étude de l'ascétique et de la mystique demande une connaissance approfondie de la théologie, surtout des traités de la grâce, des vertus infuses, des dons du Saint-Esprit dans leurs rapports avec les grands mystères de la Trinité, de l'Incarnation, de la Rédemption, de l'Eucharistie. Elle demande aussi la connaissance des grands auteurs spirituels, surtout de ceux qui sont désignés par l'Église comme des guides en ces questions.


VI. - Comment concevoir la distinction
et les rapports de l'ascétique et de la mystique ?

Il importe de rappeler ici la division de la théologie ascétique et mystique généralement admise jusqu'au XVIIIe siècle, puis la modification qu'introduisit à cette époque Scaramelli et ceux qui l'ont suivi. On s'expliquera mieux ainsi pourquoi, avec plusieurs théologiens comtemporains, nous revenons à la division qui nous paraît vraiment traditionnelle et conforme aux principes des grands maîtres.
Généralement, jusqu'au XVIIIe siècle, sous le titre Theologia Mystica, on traitait de toutes les questions qu'on expose aujourd'hui en ascétique et en mystique.
On le voit par le titre des ouvrages écrits le Bx Barthelemy des Martyrs, O.P., Philippe de la Sainte-Trinité, O.C.D., Antoine du Saint-Esprit, O.C.D., Th. Vallgornera, O.P., Schram, O.S.B., etc. Tous ces auteurs, sous le titre Theologia Mystica, traitaient de la voie purgative des commençants, de la voie illuminative des progressants et de la voie unitive des parfaits, et dans l'une ou l'autre de ces deux dernières parties, ils parlaient de la contemplation infuse et des grâces extraordinaires qui parfois l'accompagnent, c'est-à-dire des visions, révélations, etc. Même ces auteurs traitaient d'habitude, dans leur introduction, de la théologie mystique expérimentale, c'est-à-dire de la contemplation infuse elle-même, car leur traité était ordonné à elle et à l'union intime avec Dieu qui en résulte.
On a un exemple de cette division généralement admise autrefois dans l'ouvrage de Vallgornera : Mystica Theologia divi Thomae (1662). I1 suit à peu près le Carme Philippe de la Sainte Trinité, en rapprochant la division donnée par celui-ci de celle des auteurs antérieurs et de certains textes caractéristiques de Saint Jean de la Croix sur l'époque où apparaissent généralement les purifications passives des sens et de l'esprit[13]. Il partage son traité écrit pour les âmes contemplatives en trois parties.
De la voie purgative, propre aux commençants où il traite de la purification active des sens externes et internes, des passions, de l'intelligence et de la volonté, par la mortification, la méditation, la prière, et, à la fin, de la puriftcation passive des sens, qui est comme une seconde conversion où commence la contemplation infuse; c'est la transition à la voie illuminative.
Ce dernier point est capital en cette division, et il est bien conforme à deux textes des plus importants de saint Jean de la Croix (Nuit obscure, l. I, ch. VIII) : " La purification passive des sens est commune, elle se produit chez le grand nombre des commençants. " - (Nuit obscure, l. I, ch. XIV) : " Les progressants, ou avancés, se trouvent dans la voie illuminative, c'est là que Dieu nourrit et fortifie l'âme par contemplation infuse. " Cette dernière commence, selon saint Jean de la Croix, avec la purification passive des sens, qui marque ainsi la transition de la voie des commençants à celle des progressants.
Vallgornera conserve bien ici cette doctrine, comme dans ce qui suit.

De la voie illuminative, propre aux progressants, où, après un chapitre préliminaire sur les divisions de la contemplation, il est parlé des dons du Saint-Esprit, de la contemplation infuse, qui procède surtout des dons d'intelligence et de sagesse, et qui est déclarée désirable pour toutes les âmes intérieures[14], comme moralement nécessaire à la pleine perfection de la vie chrétienne. Cette deuxième partie de l'ouvrage, après quelques articles relatifs aux grâces extraordinaires (visions, révélations, paroles intérieures), s'achève par un chapitre en neuf articles relatif à la purification passive de l'esprit qui marque le passage à la voie unitive. C'est bien encore ce qu'avait dit saint Jean de la Croix (Nuit obscure, l. II, ch. II, XI).

De la vie unitive, propre aux parfaits, où il est question de l'intime union de l'âme contemplative avec Dieu et de ses degrés jusqu'à l'union transformante.
Vallgornera considère cette division comme traditionnelle, vraiment conforme à la doctrine des Pères, aux principes de saint Thomas et à l'enseignement des plus grands mystiques, qui ont écrit sur les trois âges de la vie spirituelle, en notant comment se fait généralement la transition de l'un à l'autre[15].


Au XVIII° siècle, Scaramelli (1687-1752), qui fut suivi par bien des auteurs de cette époque, proposa une division toute différente.
Tout d'abord il traite de l'ascétique et de la mystique, non pas dans le même ouvrage, mais en deux ouvrages séparés. Le Diretorio ascetico, notablement plus long que l'autre, comprend quatre traités : 1° La perfection chrétienne et les moyens qui y conduisent; 2° Les obstacles (ou la voie purgative); 3° Les dispositions prochaines à la perfection chrétienne, consistant dans les vertus morales au degré parfait (ou la voie des progressants); 4° La perfection essentielle du chrétien, consistant dans les vertus théologales, et spécialement dans la charité (l'amour de conformité chez les parfaits).
Ce Directoire ascétique ne parle pour ainsi dire pas des dons du Saint-Esprit. Le haut degré des vertus morales et théologales, qui y est décrit, ne se réalise pourtant pas sans eux, selon l'enseignement commun des Docteurs.
Le Direttorio mistico comprend cinq traités: 1° Introduction, où il est question des dons du Saint-Esprit et des grâces gratis datae. -2° De la contemplation acquise et de l'infuse, à laquelle, Scaramelli le reconnaît (ch. XIV), suffisent les dons. - 3° Des degrés de la contemplation infuse indistincte, du recueillement passif à l'union transformante; au chapitre XXXII, Scaramelli reconnaît que plusieurs auteurs enseignent que, la contemplation infuse peut être désirée humblement, par toutes les âmes intérieures, mais il finit par conclure que pratiquement, avant d'avoir reçu un appel spécial, il est mieux de ne pas la désirer : " Altiora te ne quaesieris. " ,(Item, tr. I, c. 1, n° 10). - 4° Des degrés de la contemplation infuse distincte (visions et paroles intérieures extraordinaires). - 5° Des purifications passives des sens et de l'esprit.
On est très surpris de trouver seulement à la fin de ce directoire mystique le traité de la purification passive des sens, qui marque pour saint Jean de la Croix et les auteurs cités plus haut l'entrée dans la voie illuminative.
Par une crainte parfois excessive du quiétisme, qui jeta le discrédit sur la mystique, bien des auteurs au XVIII° siècle et au XIX° siècle suivirent Scaramelli, qui régna parmi eux; A leur point de vue, l'ascétique traite des exercices qui conduisent à la perfection selon la voie ordinaire, tandis que la mystique traite de la voie extraordinaire, à laquelle appartiendrait la contemplation infuse des mystères de la foi. On retrouve à la fin du XIX° siècle et au début de celui-ci cette tendance encore assez nettement marquée dans le livre du P. de Maumigny, S. J., sur l'oraison mentale[16], dans ceux de Mgr Farges[17], dans l'ouvrage de M. Pourrat, sulpicien : La Spiritualité chrétienne, cf. Introduction, p. VI sq.
Pour ces auteurs, l'aseétique n'est pas seulement distincte de la mystique, elle en est séparée; elle ne lui est pas ordonnée; car la mystique ne traite que des grâces extraordinaires qui ne sont pas nécessaires à la pleine perfection de la vie chrétienne. Quelques écrivains soutinrent même de ce point de vue que sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, n'ayant pas reçu de grâces extraordinaires, s'est sanctifiée par la voie ascétique et non pas par la voie mystique. Ce qui parut une gageure.



Depuis une trentaine d'années, le P. Arintero, O. P.[18], Mgr Saudreau[19], le P. Lamballe, eudiste[20], le P. de la Taille, S. J.[21], le P. Gardeil, O. P.[22], le P. Joret, O. P.[23], le P. Gerest[24], plusieurs Carmes en France et en Belgique[25], des bénédictins comme Dom Huijben, Dom Louismet et plusieurs autres[26], examinèrent attentivement les fondements de la position prise par Scaramelli et ses successeurs.
Comme nous l'avons assez longuement montré ailleurs[27], nous avons été conduit, comme ces auteurs, à poser, au sujet de la division donnée par Scaramelli et ses successeurs, les trois questions suivantes :
1° Cette absolue distinction ou séparation entre l'ascétique et la mystique est-elle bien traditionnelle, n'est-ce pas plutôt une innovation faite au XVIII° siècle ? Reste-t-elle conforme aux principes de saint Thomas et à la doctrine de saint Jean de la Croix ? Saint Thomas enseigne, Ia IIae, q. 68, que les sept dons du Saint-Esprit, tout en étant spécifiquement distincts des vertus infuses, sont cependant en tous les justes, car ils sont connexes avec la charité. Il dit même qu'ils sont nécessaires au salut, car il arrive que le juste se trouve dans des circonstances difficiles où les vertus même infuses ne suffiraient pas, et où il faut une inspiration spéciale du Saint-Esprit à laquelle les dons nous rendent dociles. Saint Thomas considère même que les dons interviennent assez souvent dans les circonstances ordinaires pour donner, chez les âmes intérieures et généreuses, aux actes des vertus une perfection, un élan, une promptitude qui n'existeraient pas sans l'intervention supérieure du Saint-Esprit[28],
D'autre part, saint Jean de la Croix, nous l'avons dit, a écrit ces paroles des plus significatives : " La purification passive des sens est commune, elle se produit chez le grand nombre des commençants "[29]; or, avec elle, commence, selon lui, la contemplation infuse. - " Les progressants ou avancés se trouvent dans la voie illuminative, c'est là que Dieu, nourrit et fortifie l'âme par contemplation infuse "[30].
Le saint Docteur n'a pas voulu affirmer ici quelque chose d'accidentel, mais bien, quelque chose de normal. Saint François de Sales parle dans le même sens[31]. On ne saurait concilier avec cette doctrine la division proposée par Scaramelli, qui ne parle des purifications passives des sens et de l'esprit qu'à la fin de la voie unitive, comme de choses, non pas seulement éminentes, mais proprement extraordinaires.
2° On se demande si une telle distinction ou séparation entre l'ascétique et la mystique ne diminue pas l'unité de la vie spirituelle. Une bonne division pour être, non pas superficielle et accidentelle, mais nécessairement fondée, doit reposer sur la définition même du tout à diviser, sur la nature de ce tout, qui est ici la vie de la grâce, appelée par la tradition " grâce des vertus et des dons "[32]; car les sept dons du Saint-Esprit, étant connexes avec la charité, sont partie de l'organisme spirituel et nécessaires à la perfection.
3° La division si marquée de l'ascétique et de la mystique proposée par Scaramelli et plusieurs autres ne diminue-t-elle pas aussi l'élévation de la perfection évangélique, lorsqu'elle en traite en ascétique en faisant abstraction des dons du Saint-Esprit, de la contemplation infuse des mystères de la foi et de l'union qui en résulte ? Cette conception nouvelle n'affaiblit-elle pas les motifs de pratiquer la mortification et d'exercer les vertus en perdant de vue l'intimité divine à laquelle ce travail doit nous disposer ? N'amoindrit-elle pas les voies illuminative et unitive, lorsqu'elle en parle du simple point de vue ascétique ? Ces deux voies peuvent-elles normalement exister sans l'exercice des dons du Saint-Esprit proportionné à celui de la charité et des autres vertus infuses ? Enfin cette nouvelle conception ne diminue-t-elle pas aussi l'importance et la gravité, de la mystique, qui, séparée ainsi de l'ascétique, semble devenir un luxe dans la spiritualité de quelques privilégiés et un luxe qui n'est pas sans danger.
Y a-t-il six voies (trois ascétiques et ordinaires, et trois mystiques et extraordinaires, non seulement de fait, mais de droit), et non pas seulement trois voies, trois âges de la vie spirituelle, comme disaient les anciens ?
Dès qu'on les sépare de la mystique, les traités ascétiques des voies illuminative et unitive ne contiennent guère que des considérations abstraites sur les vertus morales puis théologales, ou, s'ils parlent pratiquement et concrètement du progrès et de la perfection de ces vertus, comme le fait Scaramelli, dans son Direttorio ascetico, cette perfection, selon l'enseignement de saint Jean de la Croix, est manifestement inaccessible sans les purifications passives, au moins sans celle des sens, et sans le concours des dons du Saint-Esprit. La question se pose dès lors : la purification passive des sens, où, selon saint Jean de la Croix, commence la contemplation infuse et la vie mystique proprement dite, est-elle de soi quelque chose d'extraordinaire ou, au contraire, une grâce normale, principe d'une seconde conversion, qui marque l'entrée dans la voie illuminative ? Sans cette purification passive peut-on arriver à la perfection dont parle Scaramelli dans son Direttorio ascetico?
N'oublions pas ce que remarque à ce sujet sainte Thérèse : " Il faut, disent certains livres, être indifférent au mal qu'on dit de nous, se réjouir même plus que si l'on en disait du bien, on doit faire, peu de cas de l'honneur, être très détaché de ses proches... et quantité d'autres choses de ce genre. A mon avis, ce sont là de purs dons de Dieu, ces biens sont surnaturels[33] " Or elle entend par là : ils sont dus à une inspiration spéciale du Saint-Esprit, comme les oraisons qu'elle appelle " surnaturelles " ou infuses.
Pour ces différentes raisons, les auteurs contemporains que nous avons cités plus haut rejettent l'absolue distinction et séparation entre l'ascétique et la mystique, introduite au XVIII° siècle.
Il importe de remarquer ici que la division d'une science ou d'une des branches de la théologie n'est pas chose de peu d'importance. On le voit par la division de la théologie morale, qui est notablement différente suivant qu'elle se fait d'après la distinction des préceptes du décalogue, ou d'après la distinction des vertus théologales et morales. Si l'on divise la théologie morale d'après les préceptes du décalogue, dont plusieurs sont négatifs, on insiste plus sur les péchés à éviter que sur les vertus à pratiquer toujours plus parfaitement, et souvent n'apparaît plus assez la grandeur du précepte suprême de l'amour de Dieu et du prochain qui domine le décalogue, et qui doit être comme l'âme de toute notre vie. Au contraire si l'on divise la théologie morale selon la distinction des vertus, alors apparaît toute l'élévation des vertus théologales, surtout de la charité sur toutes les vertus morales qu'elle doit inspirer et animer. Alors on sent le grand souffle des vertus théologales, surtout lorsqu'elles s'accompagnent des inspirations spéciales du Saint-Esprit, et la théologie morale ainsi conçue s'épanouit normalement en théologie mystique, qui est, comme on le voit chez saint François de Sales, un simple développement du traité de l'Amour de Dieu.


Qu'est alors l'ascétique pour les théologiens contemporains qui reviennent à la division traditionnelle ? Selon les principes de saint Thomas d'Aquin, la doctrine de saint Jean de la Croix et aussi de saint François de Sales, l'ascétique, d'après ces théologiens, traite de la voie purgative des commençants, qui, comprenant qu'ils ne doivent pas rester des âmes attardées et atiédies, s'exercent généreusement à la pratique des vertus, mais encore selon le mode humain des vertus, " ex industria propria ", avec le secours de la grâce actuelle commune. La mystique, au contraire, commence dès qu'il s'agit de la voie illuminative, où les progressants, sous l'illumination du Saint-Esprit, opèrent déjà, d'une façon assez fréquente et manifeste, selon le mode supra-humain des dons du Saint-Esprit[34]. Sous l'inspiration spéciale du Maître intérieur, on n'agit plus seulement alors " ex industria propria ", mais le mode supra-humain des dons, qui était jusqu'ici latent, ou quelquefois, mais rarement, manifeste, devient à la fois assez manifeste et fréquent.
Dès lors, pour ces auteurs, la vie mystique n'est pas quelque chose de proprement extraordinaire, comme les visions et révélations, mais quelque chose d'éminent dans la voie normale de la sainteté. Ils considèrent qu'il en est ainsi même pour les âmes appelées à se sanctifier dans la vie active, comme un saint Vincent de Paul; ils ne doutent nullement que les saints de la vie active aient eu normalement la contemplation infuse assez fréquente des mystères de l'Incarnation rédemptrice, de la messe, du corps mystique du Christ, du prix de la vie éternelle, bien que ces saints diffèrent des purs contemplatifs en ce sens que chez eux cette contemplation infuse est plus immédiatement ordonnée à l'action, à toutes les œuvres de miséricorde.
Il s'ensuit que la théologie mystique n'est pas seulement utile pour la direction de quelques âmes conduites par les voies extraordinaires; elle est utile pour la direction de toutes les âmes intérieures, qui ne veulent pas rester des âmes attardées; et qui tendent généreusement vers la perfection, vers l'union à Dieu à conserver au milieu des travaux et des contrariétés de la vie quotidienne. A ce point de vue l'ignorance de la théologie mystique chez un directeur peut devenir un sérieux obstacle pour les âmes qu'il dirige, comme l'a noté saint Jean de la Croix dans le Prologue de La Montée du Carmel. S'il ne faut pas prendre la tristesse du neurasthénique pour la purification passive des sens, il ne faut pas non plus, lorsque celle-ci se produit, n'y voir que de la mélancolie.
D'après ce que nous venons de dire, on voit que l'ascétique est ordonnée à la mystique.
Ajoutons enfin que, pour tous les auteurs catholiques, la mystique qui ne suppose pas une ascèse sérieuse est une fausse mystique ; ce fut celle des quiétistes, qui, comme Molinos, supprimèrent l'ascétique en s'ingérant dans la voie mystique avant d'en avoir reçu la grâce, en confondant la passivité acquise, qui s'obtient par la cessation des actes, de l'activité, et qui tourne à la somnolence, avec la passivité infuse, qui vient de l'inspiration spéciale du Saint-Esprit, à laquelle les dons nous rendent dociles. Par cette confusion radicale, le quiétisme de Molinos supprimait l'ascèse et arrivait à une caricature de la vraie mystique.



Enfin il importe souverainement de remarquer qu'on peut juger de la voie normale de la sainteté de deux points de vue fort différents. On peut en juger en prenant pour point de repère notre nature, et alors la position que nous défendons comme traditionnelle paraîtra exagérée.
Mais on peut en juger aussi en prenant pour point de repère les mystères surnaturels de l'habitation de la Sainte Trinité en nous, de l'Incarnation rédemptrice et de l'Eucharistie. Or ici cette manière de juger est la seule qui représente le jugement de sagesse, per allissimam causam; l'autre manière juge par la cause infime; et nous savons en quoi la " stultitia spiritualis " dont parle saint Thomas, IIa IIae, q. 46, s'oppose à la sagesse.
Si vraiment la Sainte Trinité habite en nous, si vraiment le Verbe s'est fait chair, est mort pour nous, est réellement présent dans l'Eucharistie, s'offre sacramentellement pour nous chaque jour à la messe, se donne à nous en nourriture, si cela est vrai, seuls les saints qui vivent de cette présence divine par connaissance quasi expérimentale fréquente, et par un amour toujours grandissant, au milieu des obscurités et des difficultés de la vie, seuls les saints sont pleinement dans l'ordre. Et la vie d'intime union avec Dieu, loin d'apparaître, en ce qu'elle a d'essentiel, comme quelque chose d'extraordinaire en soi, apparaît comme seule pleinement normale. Avant d'y être arrivés, nous sommes comme des personnes encore à moitié endormies, et qui ne vivent véritablement pas assez du trésor immense qui nous a été donné et des grâces toujours nouvelles accordées à ceux qui veulent suivre, généreusement Notre-Seigneur.
Par sainteté, nous entendons une union intime avec Dieu, c'est-à-dire une grande perfection de l'amour de Dieu et du prochain, perfection qui reste cependant toujours dans la voie normale, car le précepte de l'amour n'a pas de limites[35].
Pour préciser davantage, nous dirons que la sainteté, dont il est ici question, est le prélude normal immédiat de la vie du ciel, prélude qui est réalisé, soit sur la terre avant la mort, soit au purgatoire, et qui suppose que l'âme est pleinement purifiée, capable de recevoir aussitôt la vision béatifique. Tel est, dans le titre de cet ouvrage, le sens des mots " prélude de la vie du ciel ".
Quand nous disons enfin que la contemplation infuse des mystères de la foi est nécessaire à la sainteté, nous voulons parler d'une nécessité morale ; c'est-à-dire que, dans la majorité des cas, on ne saurait atteindre sans elle la sainteté. Et même nous ajouterons que, sans elle, on n'aura pas de fait la pleine perfection de la vie chrétienne, qui comporte l'exercice éminent des vertus théologales et des dons du Saint-Esprit qui les accompagnent. C'est là ce que ce livre entend établir.



VII - Division de cet ouvrage

D'après ce que nous venons de dire, nous diviserons cet ouvrage en cinq parties :

I. Les sources de la vie intérieure et sa fin.
De la vie de la grâce, de l'habitation de la Sainte Trinité en nous, de l'influence sur nous du Christ médiateur et de Marie médiatrice. - De la perfection chrétienne à laquelle la vie intérieure est ordonnée et de l'obligation d'y tendre, chacun selon sa condition.

II. La purification de l'âme des commençants.
L'éloignement des obstacles, la lutte contre le péché et ses suites, contre le défaut dominant; la purification active des sens, de la mémoire, de la volonté, de l'intelligence. - De l'usage des sacrements pour la purification de l'âme. - L'oraison des commençants. - La seconde conversion ou purification passive des sens, pour entrer dans la voie illuminative des progressants.

III. Le progrès de l'âme sous la lumière du Saint-Esprit.
De l'âge spirituel des progressants. - Du progrès des vertus théologales et morales. - Des dons du Saint-Esprit chez les progressants. - De l'illumination progressive de l'âme par le sacrifice de la messe et la sainte communion. - De l'oraison contemplative des progressants. Questions relatives à la contemplation infuse: sa nature, ses degrés; l'appel à la contemplation; direction des âmes sous ce rapport.

IV. De l'union à Dieu des âmes parfaites.
L'entrée dans cette voie par la purification passive de l'esprit. - L'âge spirituel des parfaits. - L'héroïcité des vertus théologales et des vertus morales. - La vie apostolique parfaite et la contemplation infuse. - La vie réparatrice. - L'union transformante. - La perfection de l'amour dans ses rapports avec la contemplation infuse, avec les fiançailles spirituelles et le mariage spirituel.

V. Des grâces extraordinaires.
Les grâces gratis datae. En quoi elles diffèrent, selon saint Thomas, des sept dons du Saint-Esprit. - Application de cette doctrine aux grâces extraordinaires selon saint Jean de la Croix. Les révélations divines, les visions, les paroles intérieures, la stigmatisation et l'extase.

Conclusion. Réponse au problème : la contemplation infuse des mystères de la foi et l'union à Dieu qui en résulte est-elle une grâce de soi extraordinaire, ou se trouve-t-elle dans la voie normale de la sainteté ? Est-elle le prélude normal de la vie éternelle, de la vision béatifique, à laquelle toutes les âmes sont appelées ?



Nous pourrions traiter ici de la terminologie des mystiques comparée à celle des théologiens. C'est une question fort importante. Mais on en saisira mieux le sens et la portée, plus loin, au début de la partie de cet ouvrage relative à la voie illuminative.
On pourrait aussi, à la fin de cette introduction, exposer au moins dans les lignes générales ce que nous enseignent les Pères et les grands Docteurs de l'Église dans le domaine de la spiritualité. Mais il sera plus profitable de le faire en traitant, à la fin de la Ire partie de cet ouvrage, de la doctrine traditionnelle des trois voies et de la façon dont il faut l'entendre.
Nous avons, du reste, exposé ailleurs cet enseignement et celui des diverses écoles de spiritualité[36]. On consultera aussi avec profit sur ce point Mgr Saudreau : La vie d'union à Dieu et les moyens d'y arriver d'après les grands maîtres de la spiritualité (3° éd. Paris, Amat, 1921. Les Pères grecs, les Pères latins, la doctrine mystique au XII°, au XIII°, au XIV°, au XV°, au XVI°, au XVIl° siècle et depuis lors). On peut lire aussi M. P. Pourrat : La spiritualité chrétienne, ouvrage conçu d'un point de vue opposé au précédent, en considérant comme extraordinaire toute grâce proprement mystique. Mais nous recommandons particulièrement le livre excellent du P. Cayré, A. A., Précis de Patrologie (Histoire et doctrines des Pères et Docteurs, de l'Église. Desclée, Paris, 1930, 2 vol.), où est exposée avec grand soin et d'une façon très objective la doctrine spirituelle des Pères, et celle des grands Docteurs de l'Église, y compris saint Jean de la Croix et saint François de Sales[37].



Notes

  1. P. J. De Guibert, S. J., Revue d'Ascétique et de Mystique, juillet 1924, p. 294. - Voir aussi l'ouvrage. du même auteur : Theologia spiritualis ascetica et mystica, Rome, 1937, pp. 374-389. Le P. de Guibert nous concède bien des choses en enseignant, ibidem, p..381 : " Licet videantur animae generosae ordinarie ad perfectionem revera non pervenire quin eis Deus concesserit aliquos tactus seu breves participationes gratiarum illarum quae constituunt contemplationem proprie infusam, - via tamen seu status contemplationis infusae.non est unica via normalis ad caritatis perfectionem; ideoque possunt animae ad quemlibet sanctitatis gradum ascendere quin hac via habituali modo incedant. "
    Nous ne disons pas que l'état de contemplation infuse soit l'unique voie normale de la sainteté, mais qu'il est au sommet de la voie normale de la sainteté, et nous voulons montrer dans le présent ouvrage qu'il y a un degré de perfection et aussi de vie réparatrice qui reste inaccessible sans les purifications passives proprement dites des sens et de l'esprit, comme état caractérisé. En cela nous nous séparons du P. de Guibert, et nous pensons suivre la doctrine traditionnelle des grands spirituels, notamment de saint Jean de la Croix; là où il parle de la nécessité de ces deux purifications passives pour enlever les défauts des commençants et ceux des avancés (cf. Nuit obscure, liv ; I, chap. VIII, IX; liv. II, chap. II, III, IV): Les peines extérieures sont sans doute bien purificatrices elles aussi, mais, sans les purifications passives proprement dites; on ne les supporte pas avec toute la perfection qu'il faudrait. Saint Jean de la Croix note, ibid., que si l'on ne subit, ces purifications que par intervalle, on n'arrive pas au sommet dont il parle.
  2. Le P. L. Peeters s'exprime de même dans la deuxième édition revue et augmentée de ce même ouvrage (1931), pp. 216-221.
  3. C'est cette distinction qui explique, croyons-nous, certaines contradictions apparentes de sainte Thérèse qu'elle-même a notées en disant qu'elles ne sont pas réelles.
    Dans bien des textes elle parle de l'appel général des âmes intérieures aux eaux vives de l'oraison, et dans d'autres textes elle parle de cas particuliers. C'est ainsi qu'elle dit dans le Chemin de la Perfection, ch. XX : " Il semble qu'il y ait contradiction entre ce que je viens de dire au chapitre précédent (de l'appel général) et ce que j'avais dit plus haut (ch. XVII), quand, voulant consoler les âmes qui ne parviennent pas à la contemplation, je montrais qu'il y a divers chemins pour aller à Dieu, comme il y a différentes demeures dans le ciel. Et pourtant je maintiens ce que j'ai dit. " - Et elle maintient de fait le principe de l'appel général, qu'elle explique à nouveau: " Notre-Seigneur, en effet, connaissant notre faiblesse, a tout ordonné d'une manière digne de lui. Mais il n'a pas dit : Que les uns viennent par tel chemin et les autres par un autre. Non; dans sa grande miséricorde, il n'empêche personne de se diriger vers cette fontaine de vie pour s'y désaltérer... Que dis-je, c'est publiquement et à grands cris qu'il nous appelle (Jésus debout dans le temple dit à haute voix : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Joan., VII, 37) ... Ainsi, mes sœurs, ne craignez pas de mourir de soif dans cette voie... Cela étant, suivez mon conseil, et ne restez pas en chemin, mais combattez en personnes de cœur, prêtes à mourir à 1a peine. " Les restrictions faites par sainte Thérèse ne concernent par !'appel général éloigné, mais l'appel individuel prochain, comme nous l'avons expliqué : cf. Perfection chrétienne et contemplation, t. II, pp. 459-462, 463 ss.
  4. Cf. Dom Huyben, LaVie Spirituelle, suppl., 1925-1926
  5. Luc, X, 42.
  6. Cf. Saint Thomas, Ia IIae, q. 28, a.4, ad 2; IIIa, q. 23, a. 1, ad 3.
  7. C'est ainsi que saint François de Sales a pu exposer sous le titre Traité de l'Amour de Dieu tant ce qui concerne l'ascétique et la mystique. ..
  8. Il s'agit ici de la théologie mystique doctrinale; il faut se rappeler qu'au XVl° et au XVII° siècle on a parfois appelé " théologie mystique " la contemplation infuse elle-même.
  9. Dans l'ouvrage Perfection chrétienne et contemplation, I, p. 1-40, nous avons plus longuement parlé de l'objet et de la méthode de la théologie ascétique et mystique (méthode descriptive, méthode déductive, union des deux) et nous avons examiné d'après divers auteurs anciens et modernes la position du problème relatif à la distinction de l'ascétique et de la mystique.
  10. On pourrait aussi ne pas assez distinguer, cet appel général et éloigné de l'appel individuel et prochain.
  11. Quelques auteurs, en procédant ainsi trop a priori, ont soutenu que l'influence actuelle des dons du Saint-Esprit est nécessaire même pour qu'il y ait un acte faible (remissus) des vertus infuses, par exemple pour un acte de foi, où il n'y a encore aucune pénétration, ni aucun goût du mystère auquel on croit.
  12. Pour résoudre la question : " Est-il légitime de désirer humblement la contemplation infuse des mystères de la foi et l'union à Dieu qui en résulte ? " il est clair qu'il ne suffit pas de connaître du dehors par des signes cette contemplation et cette union. Il faut connaître leur nature, et savoir si elles sont de soi quelque chose d'extraordinaire, ou quelque chose d'éminent, mais de normal. L'usage presque exclusif de la méthode descriptive conduirait à considérer cette question de nature comme une question presque insoluble, dont on dit quelques mots à la fin d'un traité. C'est, au contraire, une question importante qui doit être traitée ex professo.
  13. Philippe de la Sainte-Trinité expose les mêmes idées dans le prologue de sa Summa Theologicae mysticae, édition 1874. p. 17.
    Si nous citons ici Vallgornera plutôt que Philippe de la Sainte-Trinité, c'est parce que la division dont nous parlons apparaît plus clairement dans le premier. Quant au mérite de ces deux auteurs, celui de Philippe est notamment supérieur : Vallgornera l'a très souvent copié ad litteram, comme il a copié les belles pages de Jean de Saint-Thomas sur les dons du Saint-Esprit. En ce sens l'ouvrage de Vallgornera est supérieur à ce théologien, qui a su copier les bons endroits dans les meilleurs auteurs.
  14. Philippe de la Sainte-Trinité, avant Vallgornera, l'avait affirmé dans les mêmes termes, là où il parle de la contemplation infuse; c'est le même enseignement qui se trouve aussi chez les carmes Antoine du Saint-Esprit, Joseph du Saint-Esprit, et chez bien d'autres que nous citerons plus loin, en traitant ce sujet.
  15. Un autre dominicain, Giov. MARIA DI LAURO, dans sa Theologia Mystica, parue à Naples en 1743, divise de même son ouvrage, en plaçant au même endroit la purification passive des sens comme transition à la voie illuminative (p. 113), et la purification passive de l'esprit comme disposition à la vie unitive parfaite (p. 303), selon la doctrine de saint Jean de la Croix.
  16. Pratique de l'oraison mentale, 2° traité : Oraison extraordinaire, 8° éd., G. Beauchesne, Paris, 1911.
  17. Les Phénomènes mystiques (Traité de théologie mystique). Paris, 1920.
  18. La Evolucion mistica, Salamanca, 1908. Cuestiones misticas, 2° éd., Salamanca; 1920.
  19. La Vie d'union à Dieu, 3° éd., 1921; Les Degrés de la vie spirituelle, 2 vol., 5° éd., 1920; L'État mystique, sa nature, ses phases, 2° éd., 1921.
  20. La Contemplation (principes de théologie mystique). Paris, Téqui, 1912.
  21. L'Oraison contemplative, Paris, Beauchesne, 1921, opuscule, voir aussi Louis PEETERS, S. J., Vers l'union divine par les exercices de saint Ignace (Museum Lessianum), 2° éd.,. 1931.
  22. La Structure de l'âme et l'expérience mystique, 2 vol., Paris, Gabalda, 1927. Voir aussi le livre posthume du même auteur : La vraie vie chrétienne. Paris, 1935.
  23. La Contemplation mystique d'après S. Thomas d'Aquin. Paris, 1823.
  24. Memento de vie spirituelle, 1923
  25. P. GABRIEL DE SAINTE-MADELEINE, carme déchaussé, " La contemplation acquise chez les théologiens carmes déchaussés " article paru dans La Vie Spirituelle et reproduit dans notre ouvrage : Perfection chrétienne et contemplation, t. II, p. 745-769.
  26. Cf. L'Enquête sur ce point parue dans La Vie Spirituelle, supplément de septembre 1929 jusqu'à mai 1931. Y lire en particulier le témoignage des RR. PP. Maréchal, S. J., Alb. Valensin; S. J., de la Taille, S. J., Cayré, assomptioniste, Jérôme de la Mère de Dieu, carme, Schryvers, rédemptoriste.
  27. Perfection chrétienne et contemplation, I° éd., 1923, t. 1, introduction, ch. I et III, a. 3 et 4, ch. IV, a. 3, 4, 5; t. II, ch. V, a. 1, 2, 3, 6, 7° éd., 1920, ibid et appendices. - L'Amour de Dieu et la Croix de Jésus. 1929, t. II, IV° et V° parties. - Les trois conversions et les trois voies. 1932, ch. IV et appendice.
  28. Cf. SAINT THOMAS, Ia IIae, q. 68, a. 1, 2, 5.
  29. Nuit obscure, l. 1, ch. VIII.
  30. Ibid, l. 1, ch. XIV.
  31. Amour de Dieu, l. VI, ch. III. " L'oraison s'appelle méditation jusqu'a ce qu'elle ait produit le miel de la dévotion; après cela elle se convertit en contemplation " Voir les chapitres suivants sur la contemplation.
  32. Cf. SAINT THOMAS, IIIa, q. 62, a 2 : " Utrum gratias sacramentalis aliquid addat super gratiam virtutum et donorum ", où il est rappelé que la grâce habituelle ou sanctifiante perfectionne l'essence de l'âme, et que d'elle dérivent, dans les facultés, les vertus infuses (théologales et morales) et les sept dons du Saint-Esprit.
  33. Vie, ch. XXXI; Obras, t. 1, p. 257,
  34. De ce point de vue, qui est le nôtre, la mystique proprement dite commence avec l'âge des progressants lorsque apparaissent les trois signes de la purification passive des sens notés par saint Jean de la Croix (Nuit obscure, l 1. ch. IX). C'est alors, en effet, que commence dans l'aridité prolongée, accompagnée d'une générosité vraie, la contemplation infuse des mystères du salut, contemplation qui conduit à l'intimité de l'union à Dieu. Nous verrons que ces trois signes de la purification passive des sens sont : 1° l'aridité sensible prolongée, 2° un vif désir de la perfection et de Dieu, 3° la quasi incapacité de s'appliquer à la méditation discursive, et l'inclination à considérer Dieu d'un simple regard avec attention aimante. Ces trois signes doivent être réunis. Un seul ne suffirait pas.
  35. SAINT THOMAS, IIa IIae, q. 184, a. 3.
  36. Cf. Perfection chrétienne et contemplation, t. II, p. 662 - 769.
  37. Voir la table analytique des t. I et II de cet ouvrage, et t. II, p. 856.