Les lettres de cachet, une faveur du roi

De Christ-Roi
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"En trois années, la révolution a délivré plus de lettres de cachet pour affaires d'Etat, - et dont la plupart ont eu les plus tragiques conséquences - que le gouvernement royal en huit siècles....." (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 315-316).

Les lettres de cachet, des lettres de grâce (Funck-Brentano)

Dans l'imaginaire révolutionnaire, avec les lettres de cachet, on touche au symbole même de l'absolutisme royal. Qu'en est-il en réalité ?

"Les adversaires de la monarchie voyaient en elles l'une de ses plus flagrantes iniquités: un témoignage de la toute-puissance du roi, aux dépens de la liberté individuelle. Le bon plaisir du souverain, de ses ministres, de ses intendants, faisant jeter le premier venu au fond d'une prison obscure, où il languissait des années sans jugement… Ainsi séparait-on parents et enfants des familles protestantes, ainsi enfermait-on tous ceux qui déplaisaient aux puissants… Voltaire, à l'occasion, jugeait cette pratique 'ignominieuse'…

Depuis les travaux de Funck-Brentano, la lettre de cachet a perdu beaucoup de sa légende… On sait qu'elle était un instrument d'indulgence plus que de répression. On l'appelait couramment lettre de justice ou lettre de grâce. Etait-elle même arbitraire ? Elle apparaît comme l'expression, dans le cadre légal, de la justice personnelle du souverain, le plus souvent après enquête et délibération.

S'opposant à la lettre patente, qui par définition était ouverte et publique, et signée par le grand chancelier, la lettre de cachet était une simple feuille de papier pliée de telle manière qu'on ne pouvait la lire qu'après avoir brisé le cachet qui la fermait. Elle portait la signature du roi, accompagnée de celle d'un secrétaire d'État. Son objet pouvait être de convoquer un corps judiciaire, voire d'ordonner une cérémonie. Elle était habituellement un ordre individuel d'exil ou d'internement qui permettait une justice rapide et discrète. Quelquefois, elle était sollicitée dans les milieux modestes: un plombier, une tripière, un vitrier demandaient au roi d'enfermer fils ou fille, pour soustraire à de mauvaises fréquentations. Le cas le plus général était celui du fils de famille qu'on mettait à l'ombre pour débauche, indignité ou prodigalité, et qu'on soustrayait à l'infamie d'une condamnation de droit commun, ou d'une incarcération ordinaire. C'était presque toujours à la demande du chef de famille qu'était rédigée la lettre de cachet: elle constituait une faveur, même pour sa victime; car elle la conviait parfois dans une prison de luxe, à Vincennes ou à la Bastille. Ni le marquis de Sade, ni le comte de Mirabeau n'ont apprécié le confort qui leur était ainsi proposé..." (René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 76-77) .

La Bastille, une prison de luxe

"Interné au donjon de Vincennes, pour inconduite et enlèvement, à la demande de son père, Mirabeau se plaint amèrement d'y être mal nourri: "Un bouilli et une entrée à dîner, laquelle entrée est de pâtisserie tous les jeudis; un rôti et une entrée à souper, une livre de pain et une bouteille de vin par jour…" Cet ordinaire lui semble indigne de sa condition. "Du veau racorni, du mouton coriace, du bœuf réduit ou à demi cru, voilà la continuelle nourriture des prisonniers". Pourtant, le roi paye six francs par jour pour chaque détenu: six francs, soit alors environ six fois le salaire quotidien d'un journalier…

"La Bastille était le symbole de cette justice de classe, assimilée à une injustice. Ses pensionnaires, lorsqu'ils en avaient les moyens, faisaient venir leurs repas de l'extérieur et tenaient table ouverte. Marmontel s'y était vu servir à dîner "potage, tranche de bœuf, cuisse de chapon, artichauts en marinade, épinards, poire de Cressane, raisin frais, bourgogne et moka". Dumouriez, interné dans une chambre de vingt-six pieds sur dix-huit, avait cinq plats à dîner, trois à souper, et le gouverneur en personne lui apportait citrons, café, sucre, porto et malaga (Claude Manceron). Ce même gouverneur invitait les prisonniers à tour de rôle. Mais l'opinion, en retard de quelques générations, considérait toujours la forteresse désaffectée comme l'une des citadelles de l'oppression, où avaient gémi dans les fers Biron, Fouquet, l'homme au masque de fer, les jansénistes et les philosophes… De toute façon, même si la Bastille n'était qu'une prison pour aristocrates, et même si ces aristocrates étaient des bénéficiaires, plus que des victimes, de lettres de cachet, ne fallait-il pas en finir avec ce vestige du Moyen Age présumé ténébreux ? le 14 juillet 1789, en trois quarts d'heure, la Bastille est prise par une bande d'émeutiers, plus ou moins commandités par Philippe d'Orléans, grand maître des Loges du Grand Orient: ils sont partis du Palais Royal, où réside le duc. Ils ont pris des armes aux Invalides. Ils massacrent le gouverneur et la garnison qui ne résistaient pas. Ils seront 633 "vainqueurs de la Bastille", officiellement homologués et dotés d'une décoration spéciale: tout glorieux d'avoir délivré sept captifs dont quatre faussaires et deux faibles d'esprit, et d'avoir fait triompher l'égalité devant le loi pénale, en consacrant l'abolition des lettres de cachet…

"Est-ce une liberté conquise ? La révolution remplira d'autres geôles, en massacrera, non plus les gardiens, mais les prisonniers, imaginera d'autres Bastilles… A la veille de thermidor, on comptera 400 000 détenus dans les prisons de la république… Et Napoléon n'aura pas besoin de lettres de cachet pour faire exécuter le duc d'Enghien, Cadoudal ou ce général de Lahorie qui a donné au moins son prénom au jeune Victor Hugo…" (René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 76-77).

"La Révolution a aussi introduit une bien plus grande Justice (avec un grand J) en inventant les pontons dans lesquels on enfermait les prêtres réfractaires, la révolution a aussi réalisé le génocide de Vendée (200 000 morts, soit 1% de la population de l’époque. A l’échelle de la France actuelle, cela donnerait près de 600 000 morts, plus que le nombre de français morts sous la IIè Guerre mondiale…)" (Jean Sévillia, Historiquement correct, pour en finir avec le passé unique).

Les lettres de cachets servaient à conserver l'honneur des familles (Frantz Funck-Brentano)

"Qu'on lise les circulaires des ministres, les isntructions des lieutenants de police, la correspondance des intendants et des subdélégués, les réponses de Louis XVI aux remontrances du Parlement, et, d'autre part, les requêtes et les placets envoyés par les particuliers, la même idée ne cesse de revenir, sous toutes les formes. - "La raison d'être des lettres de cachet est la conservation de l'honneur des familles". -

"Un ordre du roi n'entrâîne aucune honte pour la personne qu'il frappe, tel en est le caractère essentiel; et c'est pourquoi il semblait nécessaire, si les raisons qui l'avaient fait délivrer touchaient à l'honneur du prisonnier, que ces raisons demeurassent secrètes. - "J'ai réussi par ce moyen, écrit Berryer, à rendre service à d'honnêtes gens en sorte que les désordres de leurs parents n'ont pas rejailli sur eux". - La lettre de cachet n'avait rien de l'apapreil infamant dont se servait la justice criminelle. les procureurs du roi auprès des tribunaux disent dans leurs rapports: "Il ne s'est pas trouvé de preuves contre ce particulier pour faire asseoir un jugement à peines afflcitives; mais il serait à propos de le faire enfermer d'ordre du roi". Ce n'était donc pas une condamnation après jugement, c'était une précaution plutôt, un acte personnel du souverain, une correction paternelle. Cette expression est reprise par M.A. Joly, au cours d'une étude sur les lettres de cachet dans la généralité de Caen.

"En 1773, le chevalier de Baillivy écrivait dans un libelle sur, ou plutôt contre les lettres de cachet: "Les lettres de cachet, considérées dans leur principe, ne sont que des grâces particulières que le roi veut bien accorder aux familles pour les sosutraire au déshonneur auquel, suivant le préjugé, elles craignent d'être en butte". Vergennes disait en 1781: "Il est une foule de cas où le roi, par un effet de sa bonté, paternelle, se prête à corriger pour empêcher la justice de punir".

C'est ainsi que Saint-Florentin en arrive à écrire: "un ordre du roi est plutôt une faveur qu'une punition"; et que Malesherbes, en 1789, dans son Mémoire à Louis XVI, répète: "La famille a intérêt à sosutraire son parent à une condamnation infamante; quand le roi, par bonté, veut bien enfermer, c'est une faveur" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 315-316).

Lettres de cachet de famille (Frantz Funck-Brentano)

"L'ordre du roi expédié par le ministre, sur un rapport dulieutenant de police, a été sollicité par les parents de l'inculpé. C'est le père, juge de ses enfants, qui réclame l'assistance du pouvoir royal. - "Le père seul, écrit Malesherbes, a le droit de demander une lettre de cachet". -

"Quand l'honneur de la famille est en jeu, les hommes de naissance commune ne se montrent pas moins sévères que les gens de qualité.

  • "Un vitrier nommé Allan, quid emeurait rue Neuve-Guillemain, et courait les rues de Paris, guettant les carreaux cassés, expose devant le commissaire de police qu'il a sollicité une lettre de cachet contre son fils, parce que celui-ci "lui donnait de justes motifs, par son penchant à la friponnerie, de craindre des suites infamantes pour sa famille". L'excellent homme déclare d'ailleurs être si pauvre qu'il lui serait impossible de payer la moindre pension pour le détenu.
  • "Henry Clavel, "acteur-comédien", demande que son fils soit enfermé à Bicêtre, où il paiera une pension d e150 livres, "parce qu'il y a lieu de craindre que ce fils, qui est hors d'état d egagner sa vie, ne déshonore sa famille par une fin malheureuse".
  • "Louis Armand, marchand évantailliste, fait enfermer sa fille Euphrosine à la Salpêtrière 'parce qu'il se voit à la veille d'être déshonoré par la mauvaise conduite de cette malheureuse'.

"Nous pourrions multiplier les exemples indéfiniment....." (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 316-317).

"[...] La famille de Charles de l'Espinay a recours à l'autorité du roi 'pour être mise à l'abri des mauvaises actions que ce jeune homme peut commettre et qui pourraient la déshonorer'. Danchin, commis des bâtiments royaux, demande que son fils soit enfermé à Bicêtre, attendu 'qu'il y a lieu de craindre qu'il ne déshonore sa famille'.

"La demande du père est rarement repoussée. 'La seule autorité paternelle, observe un subdélégué, devrait suffire dans de pareilles circonstances, parce qu'on ne peut pas présumer que la piété et l'amitié d'un père puissent être susceptibles d'aucun préjugé'" (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 317).

L'honneur du nom

"Les circonstances où les lettres de cachet s'expliquent le mieux, ... c'est quand elles ont eu pour but de soustraire un coupable à la terrible jurisprudence de l'époque, appliquée par les tribunaux, Châtelet ou Parlement, et d'épargner à toute une famille la réprobation qu'aurait entraînée pour elle une condamnation toujours proconcée avec appareil et éclat" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 324).

"En trois années la Révolution a délivré plus de lettres de cachet pour affaires d'Etat que le gouvernement royal en huit siècle" (Frantz Funck-Brentano)

"Aussi bien la, la constatation qui suit paraîtra décisive: en trois années la Révolution a délivré plus de lettres de cachet pour affaires d'Etat, - et dont la plupart ont eu les plus tragiques conséquences - que le gouvernement royal en huit siècles....." (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 539).