Jacques Le Goff

De Christ-Roi
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Janvier 2004 : Jacques Le Goff, né en 1924, a consacré sa vie à l'exploration du Moyen Âge. Normalien et agrégé d'Histoire, il a participé aux belles heures de l'École des Annales avec les disciples de Marc Bloch (1886-1944) tel Fernand Braudel et Lucien Febvre. Source: [1]

Dans sa biographie : à la recherche du Moyen Âge (Audibert, 2002), il raconte comment il a découvert l'Histoire et plus précisément le Moyen Âge en lisant Ivanhoé de Walter Scott, à 12 ans.

Plus tard, ses études l'ont amené à faire la part des choses entre la vision noire de cette époque, qui remonte à la soi-disant Renaissance, et la vision dorée, qui s'est construite après la Révolution, sous l'influence de Chateaubriand et du romantisme.

La révolution de l'écriture

En 1944, tandis que Paris se libère, Jacques Le Goff entre en khâgne au lycée Louis-le-Grand puis réussit le concours d'entrée à l'École Normale Supérieure.

Il commence d'enseigner dans un lycée d'Amiens puis à la Faculté des Lettres de Lille et très tôt se passionne pour l'étude des textes anciens, l'épigraphie.

«Le livre-codex serait une assez bonne manière de situer la naissance du Moyen Âge, dès la fin du IVe siècle», dit-il dans sa biographie.

Auparavant, les textes étaient rédigés sur des rouleaux (comme les textes bibliques des synagogues). Il était difficile à une seule personne de les manipuler et de lire en même temps. Avec le codex, assimilable à nos livres actuels, la lecture se fait plus personnelle... Mais il faut attendre le XIIIe siècle pour qu'elle se fasse également silencieuse !

L'introduction de la minuscule caroline, au temps de l'empereur Charlemagne, facilite la transcription des textes anciens et bibliques. Plus tard, cette écriture se personnalise et s'adapte à la prise de notes, entraînant une évolution des modes de pensée et d'expression.

Très long Moyen Âge

à quand remonte l'invention du Moyen Âge ?

– L'expression Moyen Âge apparaît dès le XIVe siècle chez Pétrarque et les humanistes italiens (on dit alors medium tempus, au pluriel media tempora). Cette expression aujourd'hui teintée de mépris désigne un âge intermédiaire (entre l'Antiquité et le retour à celle-ci).

– Le terme Renaissance est beaucoup plus tardif. On le doit à l'historien d'art suisse Jakob Burckhardt (1818-1897) qui publia une célèbre Civilisation de la Renaissance en Italie (1860) en présentant le Quattrocento italien (le XVe siècle) comme un retour aux valeurs de l'Antiquité.

L'historien Jacques Le Goff plaide depuis un demi-siècle en faveur d'un long Moyen Âge et réfute le découpage traditionnel des époques qui fait débuter cette période en 476 (déposition du dernier empereur romain d'Occident) et la clôt en 1492 (découverte de Christophe Colomb,...).

Dans l'esprit de nos ancêtres, le monde était voué à aller de mal en pis depuis l'Âge d'Or du commencement. C'est ainsi qu'au Moyen Âge, on considérait avec méfiance toute forme de «progrès» et paradoxalement, les nombreuses avancées de cette période ont été accomplies avec l'intention affichée de revenir au bon vieux temps (à l'inverse, notre époque, qui n'a que le mot progrès à la bouche, semble singulièrement rétive au changement).

De l'exaltation du passé découle l'appellation haute réservée aux périodes les plus anciennes et basse pour les plus récentes : le Bas Empire désignait les trois derniers siècles de l'empire romain d'Occident (de Constantin à Justinien) et le Haut Moyen Âge était la période antérieure à l'An Mil.

Du point de vue de l'historien, ces dénominations apparaissent contestables. C'est ainsi qu'à propos de l'empire romain, «tout indique une puissance à son apogée, s'étendant de Constantin (début du IVe siècle) jusqu'à Justinien (VIe siècle), ce qui fait au moins 300 ans», précise Jacques Le Goff.

L'historien note l'incongruité qu'il y a à caractériser l'Antiquité romaine par l'emploi du latin. Dès l'époque de Jules César, Rome est foncièrement bilingue et ses élites pratiquent le grec autant sinon plus que le latin.

Le latin ne cesse d'être pratiqué par les érudits et les clercs au Moyen Âge. Quant au grec, il revient en force dans les derniers siècles de l'empire byzantin agonisant, quand les savants grecs fuient l'invasion turque (XIVe et XVe siècles). Difficile dans ces conditions d'établir une césure culturelle entre Antiquité et Moyen Âge !

La sortie du Moyen Âge est aussi floue. Giotto, Dante et Pétrarque, au XIVe siècle, expriment déjà une grande nouveauté dans la peinture comme dans la poésie.

Par contre, les guerres que mènent en Italie les rois de France au XVIe siècle apparaissent singulièrement ancrées dans le Moyen Âge, de même que le comportement des Espagnols et des Portugais dans le Nouveau Monde.

La Réforme religieuse de Luther elle-même s'inscrit dans une longue suite de bouleversements religieux qui commencent avec l'hérésie cathare et s'achèvent avec, pourrait-on dire, la suppression temporaire de l'ordre des Jésuites au XVIIIe siècle.

En définitive, on n'en finirait pas de découvrir des «Renaissances» au cours du Moyen Âge, à commencer par la Renaissance carolingienne... De même que jusqu'au XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, on peut relever des traces de l'esprit médiéval. à la charnière de deux mondes, Isaac Newton (1642-1727), tout savant qu'il était, était féru d'astrologie. Notons qu'il écrivit ses premiers traités de physique en latin et les derniers en anglais.

Le Moyen Âge vu par Jacques Le Goff s'étale par certains aspects sur presque un millénaire, de la mort de Justinien et de l'apparition de l'islam (622) à la veille de la Révolution française.

«Le Moyen Âge occidental naît d'une acculturation où se confondent peut à peu les usages gréco-romains et ceux des "barbares". Il naît aussi de la confrontation avec l'islam (...). De la conquête musulmane en Espagne (VIIIe siècle) jusqu'à l'hégémonie ottomane dans les Balkans (XIVe siècle), l'Occident ne se conçoit pas lui-même comme entité politique. Il ne se structure que par son existence face à un monde perçu comme hostile», dit le médiéviste.